Guillermo del Toro nous reçoit dans un hôtel chic de Toronto. C'est le début de l'après-midi et le cinéaste d'origine mexicaine en est déjà à sa 15e entrevue de la journée, incluant l'incontournable enfilade de morning shows télévisés.

D'autres en auraient déjà plein leur casque, mais pas lui. Il faut dire que la sortie imminente de Pacific Rim, sa première réalisation depuis 2008, l'excite énormément.

Tournée avec un budget de 190 millions, cette superproduction estivale est son plus gros projet à vie. Loin, très loin des productions plus modestes que furent Hellboy (66 millions) ou Le labyrinthe de Pan (19 millions), les deux films qui l'ont fait connaître

«J'aurais tué pour faire ce long métrage, il synthétise beaucoup de mes passions d'enfance», lance del Toro, vêtu d'un veston ample, bien calé dans le sofa de sa suite présidentielle.

Le cinéaste fait bien sûr référence aux films japonais qui ont bercé sa jeunesse. Marqué de façon durable par les nombreux Godzilla, Gamera, Mothra et autres «Japanime» qui passaient en boucle à la télé mexicaine, del Toro avait depuis très longtemps envie de faire son propre film de kaiju, un terme nippon qui signifie «créature étrange» ou «grosse bibitte».

L'histoire de Pacific Rim se déroule donc dans un avenir proche, où des monstres gigantesques surgis du fond des mers (les Kaiju) s'attaquent à la Terre. Pour freiner l'invasion, les humains sont contraints de construire des robots de la même envergure (les Jaeger), ces derniers constituant leur dernier espoir d'éviter l'apocalypse.

Un véritable choc des Titans s'ensuivra, marqué par une succession de combats spectaculaires à échelle monumentale, où l'humanité fera face à ses peurs et à ses limites.

Ni Godzilla ni Transformers

Del Toro ne veut surtout pas qu'on compare Pacific Rim aux Transformers («ceux qui disent ça sont ceux qui n'ont pas vu le film») et encore moins au remake de Godzilla réalisé par Roland Emmerich il y a quelques années. Son film n'est pas une «réinvention», comme il le dit, ni même un hommage, mais plutôt une façon «de faire honneur» aux films de son enfance.

«Par «faire honneur», j'entends qu'il a fallu respecter les codes, explique le cinéaste. Les monstres, par exemple, devaient donner l'impression qu'il y avait un acteur dedans, comme à l'époque où les créatures étaient jouées par des comédiens dans un costume. Ce sont des citations que nous avons amenées à un autre niveau en matière de trucage et d'action.»

Tourné dans une centaine de lieux différents, dont les deux immenses studios Pinewood en banlieue de Toronto, Pacific Rim a donné bien des maux de tête à ses créateurs sur le plan technique. Même si beaucoup d'effets spéciaux ont été faits par ordinateur, il a fallu penser tout le film à grande échelle et s'assurer que l'impression de masse et de poids rende justice au gigantisme des Kaiju et des Jaeger. Certaines parties des robots étaient toutefois de grandeur nature, comme des dessus-de-tête, des bras et des épaules.

Quand on suggère au cinéaste que son nouveau film est avant tout un tour de force technologique plutôt qu'une histoire axée sur les personnages, il se montre surpris. «Le plus important pour moi est qu'il y ait un juste équilibre entre l'intrigue, les personnages et le spectacle. Les monstres et les robots sont des personnages à part entière. Nous avons tout fait pour que la technologie soit au service de l'histoire.»

Un prolongement

On peut se demander ce que les fans de la première heure penseront de cette superproduction assumée. Pacific Rim n'a en effet rien à voir avec la finesse psychologique de L'échine du diable ou du Labyrinthe de Pan.

Del Toro se dit malgré tout persuadé que son public y retrouvera tous les ingrédients qui ont fait sa réputation.

«Si tu mets mes huit films bout à bout, tu verras que Pacific Rim est le prolongement des autres. Tous mes films partagent cette même fascination pour la rouille et le déclin, les mêmes palettes de couleur, la même préoccupation pour la famille, les relations parents-enfants et les liens entre l'enfance et les mondes imaginaires. Enfin, tous portent l'idée qu'ensemble, nous survivrons, mais que divisés, nous n'y arriverons pas.»

Le cinéaste admet du reste que cette mégaproduction est un tournant dans sa carrière. Il espère que Pacific Rim connaîtra assez de succès pour lui permettre de faire les autres projets qu'il souhaite faire, sous-entendu d'autres superproductions aux budgets faramineux.

Ça ne l'empêchera pas de garder les pieds sur terre. Une fois le blitz de Pacific Rim terminé, del Toro doit ainsi produire un film mexicain de 3,5 millions, de même que le pilote de la télésérie Crimson Peak.

«Ne t'inquiète pas, lance-t-il. Je ne suis pas devenu mégalo...»

Pacific Rim prend l'affiche le 12 juillet.