Le réalisateur espagnol Fernando Trueba, dont le film L'artiste et son modèle sort ce week-end aux États-Unis, assure ne pas «se regarder le nombril» quand il tourne, préférant laisser son oeuvre parler pour lui.

Le cinéaste de 58 ans, récompensé par l'Oscar du meilleur film étranger en 1994 pour Belle époque, estime dans un entretien à l'AFP avoir, avec cette nouvelle production, signé son «film français, d'une certaine manière».

Tourné en France et en français, avec Jean Rochefort dans le rôle d'un sculpteur retrouvant l'inspiration au soir de sa vie avec une jeune modèle espagnole, le film témoigne de l'amour du cinéaste pour la langue de Molière: «J'ai toujours été très francophile. Je dois beaucoup à la langue française et au cinéma de ce pays, je lis beaucoup en français».

Réflexion sur l'art et le processus créatif, L'artiste et son modèle n'est pas à proprement parler autobiographique, même si «les gens qui me connaissent disent qu'ils me voient beaucoup derrière ce personnage», observe-t-il.

De l'aveu même du cinéaste, le personnage central est plutôt inspiré par son frère, le sculpteur Maximo Trueba, décédé en 1996 à 42 ans dans un accident de la route.

Le film a envers Maximo «une dette secrète et plus profonde», affirme le cinéaste. «Mon frère était un homme de peu de mots. C'était un travailleur. Il n'aimait par parler et n'aimait pas donner de nom à ses sculptures. La plupart d'entre elle sont d'ailleurs intitulées Sans titre».

«Il ne connaissait pas le mensonge», poursuit-il. «Il croyait dans le travail manuel, dans son atelier, dans la taille de la pierre et le modelage de l'argile, mais il ne s'intéressait pas à la littérature qui accompagne généralement les arts plastiques, tout le blabla».

«Je regarde davantage au-dehors»

«Et cela, cette attitude, cette relation qu'il avait avec l'art, considéré comme un travail physique, c'est quelque chose de très important dans le film», assure-t-il.

Fernando Trueba, dont la filmographie très éclectique navigue entre la fiction, la musique (avec notamment le documentaire Calle 54 sur les icônes du latin jazz) et l'animation (avec «Chico et Rita», nommé aux Oscars en 2010), partage avec son frère défunt une vision similaire de la création artistique.

«De nos jours, malgré la sophistication du monde dans lequel nous vivons, il y a quelque chose dans l'art, au fond, qui n'a pas changé depuis l'auteur anonyme qui a créé la Vénus de Willendorf à l'époque préhistorique», dit-il. «C'est la relation entre un homme et la matière, une relation physique pour réinterpréter la nature».

Le cinéaste, dont le frère David Trueba a lui aussi embrassé une carrière cinématographique (Soldados de Salamina, Madrid, 1987), assure par ailleurs qu'il ne se «regarde pas le nombril en faisant des films».

«Dans la vie, j'essaie de ne jamais centrer les choses autour de moi», dit-il. «Je n'ai jamais été voir un psychanalyste ou un psychiatre - peut-être que j'en ai besoin et que ça me ferait du bien! Mais je suis quelqu'un qui regarde davantage au-dehors qu'au-dedans».

«Du coup, quand je fais un film, je n'essaie pas de découvrir des choses sur moi, mais plutôt sur les personnages ou l'histoire que je veux raconter», déclare-t-il: «Je ne m'intéresse pas beaucoup à mon sort, si ce n'est de vivre bien et le plus longtemps possible. Mais je n'ai pas besoin de me connaître mieux, je me connais déjà trop bien. Je devrais même me surprendre un peu plus».