Vivant en Pologne depuis 13 ans, Andrzej Zulawski n'a pas signé de nouveau film depuis son retour dans son pays natal, trop pris par son envie d'écriture et ses devoirs politiques. Fantasia rend hommage à un réalisateur dont les films ne laissent personne indifférent.

Au cours des années 70 et 80, le cinéma d'Andrzej Zulawski suscitait bien des discussions, parfois même des polémiques. Le style baroque du cinéaste polonais séduisait une horde de cinéphiles, mais pouvait provoquer dans la foulée l'ire de nombreux détracteurs.

L'important c'est d'aimer (1975), son premier film français, est probablement son film le plus consensuel. Ce drame psychologique a reçu un accueil d'autant plus chaleureux que Romy Schneider y offre l'une de ses compositions les plus saisissantes. Viennent ensuite Possession (avec Isabelle Adjani), La femme publique (avec Valérie Zaprisky), puis quatre films avec Sophie Marceau, sa muse et compagne jusqu'à l'orée des années 2000. Leur dernière collaboration, intitulée La fidélité, reste le film le plus récent de Zulawski. Il a été lancé en l'an 2000.

De passage à Montréal à l'occasion d'un hommage que lui rend le festival Fantasia, le cinéaste explique son absence des écrans par une espèce de panne de désir. «Je n'aimais pas beaucoup ce que je voyais au cinéma, a-t-il déclaré au cours d'un entretien accordé à La Presse. Et je crois que le cinéma ne m'aimait pas beaucoup non plus. Mes projets n'étaient pas reçus avec un débordement d'enthousiasme de la part des producteurs. Je me suis alors davantage consacré à l'écriture. J'ai publié des livres. Je me suis aussi beaucoup occupé de politique.»

Politique culturelle

Comme Andrzej Zulawski est absent du paysage médiatique depuis des années au Québec, cet autre aspect de sa vie professionnelle est peu connu ici. Ayant regagné son pays natal il y a 13 ans, le cinéaste a été appelé à participer à l'élaboration de la politique culturelle de la Pologne, qui était à refaire après la chute du communisme.

«Il y a plusieurs années, on m'a même proposé le poste de ministre de la Culture, mais j'ai décliné [l'offre], dit-il. C'est une chose que je ne saurais faire. Je ne suis pas fonctionnaire. Je ne suis pas une bête politique non plus. Mais pour conseiller, pour rédiger des rapports, pour élaborer des idées, oui. J'ai ainsi pu apporter ma modeste contribution.»

Quand on lui demande quel genre de lien affectif il a envers ses anciens films, le réalisateur fait remarquer que chacun d'entre eux a requis beaucoup de travail, d'énergie, parfois même du courage.

«J'ai même payé assez cher, je vous dirais. Deux de mes films ont été interdits par les autorités communistes polonaises. C'est ce qui m'avait poussé à me diriger vers la France. On m'avait expulsé du pays. Aujourd'hui, j'estime que tout cela en a valu la peine. Mon "acquis" est modeste, mais il me suffit.»

Zulawski, qui a parfois eu maille à partir avec la critique française, déclare aujourd'hui à ceux qu'il "emmerde" qu'ils ont eu tort.

«La plupart de mes films ont été descendus en flammes, mais, par un curieux retour des choses, ils refusent de mourir. Seulement cette année, j'ai eu droit à des rétrospectives intégrales à Los Angeles et à New York. L'ironie de l'affaire, c'est que mes films n'ont strictement rien d'américain. Et pourtant, c'est à partir des États-Unis que s'opère le retour de mes films!»

Une vie dramatique

Né pendant la guerre, ayant côtoyé la mort lorsqu'il était enfant, Zulawski estime qu'il n'aurait jamais pu faire des films simplement réalistes.

«Ma vie assez dramatique ne me permettrait pas de faire des films aussi délicats que ceux issus du néo-réalisme italien d'après-guerre, par exemple. Ce sont des films qui m'ont bouleversé pourtant.»

Que le cinéma des pays d'Europe centrale et d'Europe de l'Est soit désormais plus "tiède" ne l'étonne guère.

«À l'époque du communisme, la personnalité du cinéma polonais - ou tchèque ou hongrois - était dictée par la nature tragique du contexte dans lequel les gens vivaient. Là, nous habitons un pays à peu près normal, c'est-à-dire un peu ennuyeux. Il y a moins d'histoires à raconter. Sur le plan culturel, on frôle la catastrophe. Cela dit, on ne souhaite pas de retour en arrière!»

Dans le cadre de Fantasia, où un prix honorifique est remis au cinéaste, deux films sont proposés au public. Szamanka, drame d'horreur produit en Pologne dans les années 90, a déjà fait l'objet d'une présentation. L'amour braque, projeté demain à la Cinémathèque québécoise en présence du réalisateur, est le premier de ses films avec Sophie Marceau. Outre quatre longs métrages, cette relation amoureuse marquante aura inspiré deux ouvrages à l'écrivain Zulawski (O niej et L'infidélité) et un film à l'ancienne épouse (Parlez-moi d'amour).

Par ailleurs, Andrzej Zulawski ne met pas le cinéma derrière lui. Il pourrait même se laisser tenter de nouveau. «Justement à cause de ce que je n'aime pas dans le cinéma», conclut-il.