Le cinéma indien rime pour les Européens avec Bollywood et ses comédies musicales sucrées aux scénarios ultra-minces, mais l'édition 2013 du Festival de Cannes a mis en avant une production sortant des poncifs.

L'Inde est l'invitée d'honneur cette année à Cannes, un choix qui coïncide avec la célébration en Inde de cent ans de cinéma. Quatre films indiens ont été présentés en dehors de la compétition officielle pour la Palme d'Or, recueillant un accueil chaleureux.

L'occasion pour l'acteur Amitabh Bachchan, grande star en Inde, d'insister sur la diversité des films indiens et de réprouver le diminutif de «Bollywood».

«L'industrie du cinéma indien a sa propre identité... donc je préfère utiliser l'expression «industrie du film indien»», précise l'acteur indien vu à Cannes dans un rôle de gangster dans le film d'ouverture The Great Gatsby.

Le pays a énormément changé au cours des quinze dernières années et les tournages ont aussi subi une petite révolution, soulignent les experts.

Quatre membres de la nouvelle génération de cinéastes indiens ont notamment foulé le tapis rouge à Cannes pour une présentation de Bombay Talkies, anthologie de courts métrages.

«Beaucoup de réalisateurs ont commencé à faire des films au début des années 2000», a expliqué à l'AFP, Dibakar Banerjee, qui incarne à 43 ans cette nouvelle génération. À partir des films traditionnels de Bollywood, ils ont imprimé «une orientation très nouvelle reflétant l'Inde urbaine d'aujourd'hui», a-t-il souligné.

Les cinéastes travaillent désormais dans nombre d'États, en particulier dans le Sud, pas seulement dans la Mecque de «Bollywood» dont l'épicentre est Bombay (État du Maharashtra).

Le court métrage de Dibakar Banerjee raconte l'histoire d'un acteur de théâtre au chômage depuis des années et qui obtient enfin un rôle. Celui de Karan Johar, 40 ans, évoque une relation gay, sujet encore très tabou en Inde qui a provoqué la controverse. «L'homophobie est encore très prononcée» en Inde, a souligné le réalisateur.

Un cinéma méconnu en Europe

Zoya Akhtar, 39 ans, dont le court métrage raconte l'histoire d'un jeune garçon qui rêve d'être danseur contre l'avis de son père, incarne aussi ce changement générationnel.

Pour autant, la réalisatrice juge qu'il y aura toujours de la place pour les traditionnelles comédies musicales de Bollywood. «Les Indiens aiment chanter, aiment la musique, à toute occasion et à tous les pique-niques». «Nos histoires folkloriques avaient toutes de la musique... ça ne va pas disparaitre!».

Autre projection cette année du festival de Cannes, celle d'Anurag Kashyap, Ugly, un thriller psychologique sur l'enlèvement d'une jeune fille. L'histoire s'inspire d'histoires vraies à Bombay, ville gangrènée par la prostitution et le trafic d'enfants.

L'idée trottait dans la tête du cinéaste depuis des années, mais ne recueillait que des commentaires décourageants. Pour ne pas faire échouer le projet à la dernière minute, il a demandé aux acteurs de lui faire confiance et de signer sans lire le scénario.

«J'avais l'impression que s'ils lisaient le scénario, ils ne me permettraient pas de faire le film», confie le réalisateur de 40 ans, venu présenter un film à Cannes pour la deuxième année consécutive.

Le public européen va-t-il enfin mordre à l'hameçon? «Les Français méconnaissent le cinéma indien et se basent sur des clichés» regrettent Lydie Vessela et Sarah Beauvery, deux passionnées françaises, venues nouer des contacts au marché cinématographique de Cannes.

«On veut agir sur le terrain et montrer la richesse du cinéma indien dans les salles françaises». Avec leur association récemment créée, Bollyciné, elles ont déjà signé des partenariats avec vingt salles de province.

«Le cinéma indien ce n'est pas juste des histoires d'amour à l'eau de rose un peu kitsch, aujourd'hui c'est moins abracadabrant», insiste Sara, qui visionne un film indien par jour.