Allez, il faut l'avouer. On voit le titre et on se dit: «Voyons donc!» Pride and Prejudice de Jane Austen, devenu Pride and Prejudice and Zombies de... Jane Austen et Seth Grahame-Smith!

Réaction normale. Elle est d'ailleurs celle que, de Lily James à Matt Smitt, plusieurs des acteurs sondés puis engagés pour l'adaptation cinématographique du roman par Burr Steers (Igby Goes Down) ont eue de prime abord. Avant de plonger dans le scénario. Et de comprendre.

Comprendre que Seth Grahame-Smith prend le mashup (un composite de plusieurs sources) très au sérieux. Il ne donne pas dans la parodie ni dans la farce. Surtout pas avec une oeuvre aussi «sacrée».

«Hé, j'ai été adopté par les Janeites! Ce sont eux que je craignais le plus et ils m'ont dit que je leur avais permis de lire d'une autre manière un texte qu'ils adorent», a indiqué le romancier que La Presse a rencontré à Los Angeles, évoquant la réaction à son livre des inconditionnels de la femme de lettres britannique.

Ce qui l'a conforté dans sa démarche. Assez pour qu'il remette ça, deux fois.

D'abord, en 2010. Quand il a fait la tournée des librairies pour promouvoir Pride and Prejudice and Zombies, Seth Grahame-Smith trébuchait en effet presque systématiquement sur deux tables: sur l'une se trouvaient des piles de biographies d'Abraham Lincoln, dont on célébrait le 200anniversaire de naissance; sur l'autre, des exemplaires de Twilight.

«Je n'arrêtais pas de dire que si j'arrivais à combiner ces deux éléments, je serais vraiment en affaires!», rigole-t-il. Mais à force de le répéter, il s'est convaincu qu'il y avait là un filon. Qu'il a exploré. Ça a donné Abraham Lincoln: Vampire Hunter - dont Timur Bekmambetov a réalisé une adaptation cinématographique (plutôt ratée), en 2012.

Sauce zombies

Cette même année, le romancier a publié Unholy Night, où le récit biblique se mâtine d'intrigue policière: «Je pensais à la Nativité et je me suis demandé pourquoi les rois mages étaient là, avec leurs cadeaux. Et si, en réalité, ils étaient trois bandits, qu'ils avaient volé l'encens, la myrrhe et l'or, et qu'ils cherchaient eux aussi un endroit pour se cacher?» Et c'était reparti.

«Pour qu'un mashup fonctionne, poursuit-il, il faut qu'il soit bâti sur une question centrale solide.»

Afin d'apprêter Pride and Prejudice à la sauce zombies, Seth Grahame-Smith a imaginé ce qui se passerait si ces aristocrates de l'Angleterre de la Régence que raconte Jane Austen «faisaient tout pour rester les mêmes, proprets et pomponnés, au milieu du désastre.»

«Ils sont à ce point snobs et empêtrés dans leurs principes qu'ils continuent à se préoccuper de qui va épouser qui et de qui va hériter de quoi alors que le pays s'effondre.»

C'est ainsi que les guerres napoléoniennes ont ici fait place à une mystérieuse épidémie qui transforme les gens en zombies. Pour la propagation du mal, Burr Steers, qui a aussi scénarisé le film, s'est pour sa part inspiré des ravages causés par la Peste noire dans les années 1300.

On le voit, la chose a, dans les circonstances, été prise très au sérieux. D'ailleurs, avant de se mettre à son clavier, Seth Grahame-Smith a étudié le roman, le rythme des phrases, le choix des mots afin que la transition à son écriture soit, dans la mesure du possible, invisible.

Les mots de Jane

Quant à Burr Steers, il est allé fouiller dans la correspondance de Jane Austen pour insérer les mots de la femme de lettres dans certaines scènes. Même (et surtout) dans celles de pure action.

Parce que, zombies obligent, action il y a dans Pride and Prejudice and Zombies.

Et aux acteurs, après, de se débrouiller pour «sonner victorien» tout en maniant l'épée et le mousquet. Le tout culminant dans un échange bien senti, verbal et armé, entre le craquant Mr. Darcy (Sam Riley) et Elizabeth Bennet (Lily James) - héroïne féministe avant l'heure qui, ici, affiche un caractère trempé dans l'acier au propre comme au figuré. Ses quatre soeurs, dont la belle Jane (Bella Heathcote), et elles ont été formées au combat en Chine, rien de moins.

«Nous sommes des ninjas sexy», s'amuse Lily James (CinderellaDownton Abbey). Et de se souvenir de cette fameuse scène de combat à l'épée, face à Sam Riley, «où il fallait sentir la frustration d'Elizabeth, la tension sexuelle entre les deux adversaires, tout en s'exprimant au moyen des mots de Jane Austen!».

«Il fallait que son style soit présent dans toutes les situations, ajoute ici Bella Heathcote. Parce que la présence des zombies, tout en nous rendant plus libres dans notre interprétation, surligne également ce qu'elle a écrit, éclaire de manière différente ces héroïnes fortes et indépendantes.»

D'où l'importance du ton du film. «C'était la chose la plus délicate à trouver, assure Douglas Booth [qui, lui, incarne Mr. Bingley, le promis de Jane]. Pas de clins d'oeil à la caméra, mais faire comme si les zombies existaient vraiment. C'était le moyen de montrer naturellement à quel point, dans ces circonstances, il serait... anormal de vivre normalement.»

Classiques revisités

Pourquoi limiter le mashup aux événements entourant la Nativité, à la vie d'Abraham Lincoln et au destin des demoiselles Bennet?

Voici quelques propositions faites par les acteurs en vedette dans Pride and Prejudice and Zombies: 

Matt Smith (qui interprète Parson Collins): «J'attends avec impatience War and Peace and Zombies

Douglas Booth (Mr. Bingley): «J'aimerais bien voir Bridge of Zombies au cinéma.»

Jack Huston (George Wickham): «Et je trouve que Spotlight était bien faible à cause de son manque de zombies.»

La Presse propose pour sa part: 

Le loup-garou de Notre-Dame (après tout, le bossu avait envie de croquer Esméralda).

Le tour du monde en 80 nuits (Phileas Fogg et Jean Passepartout étant tombés sur des vampires qui les ont transformés en buveurs de sang nocturnes).

Les aventures de «hulk» Finn (Huck étant désormais un colosse façonné avec la boue du Mississippi - un golem, quoi).

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Pride and Prejudice and Zombies (Orgueil et préjugés et zombies) prend l'affiche le 5 février.

PHOTO ARCHIVES AP

L'auteur du livre Pride and Prejudice and Zombies, Seth Grahame-Smith.