Au départ, à l'époque d'une adolescence vécue dans son Australie natale, seule la poésie comptait pour Michael Rowe. Le jeune homme entretenait même l'ambition de devenir l'un des plus grands poètes du monde.

« Quand, dans la jeune vingtaine, j'ai réalisé que ce ne serait pas le cas, je me suis tourné vers l'écriture théâtrale, même si, à mes yeux, j'avais l'impression de me prostituer ! », confiait le cinéaste au cours d'un entretien accordé récemment à La Presse.

C'est au moment où une proposition venue de la télé australienne s'est présentée que Michael Rowe a décidé de jouer toutes ses billes. Plutôt que de rentrer dans le rang, l'artiste a préféré s'exiler le plus loin possible. Il a choisi le Mexique comme terre d'adoption, même s'il n'y connaissait personne. Parce que la culture du pays l'attirait.

« J'ai pu gagner ma vie à Mexico en enseignant l'anglais, tout en maintenant des projets d'écriture, indique-t-il. Il était pour moi fondamental de maîtriser la langue espagnole le plus tôt possible, histoire de pouvoir écrire dans la langue du pays. Je me suis alors dirigé vers la scénarisation. Mais huit ans après mes études, personne ne voulait encore porter mes scénarios à l'écran. Je me suis résigné à le faire moi-même ! »

Grand bien lui en fit, car Rowe est parvenu à imposer d'emblée sa signature de cinéaste. En 2010, son tout premier essai, Año bisiesto (Année bissextile), obtient au Festival de Cannes la prestigieuse Caméra d'or, remise au meilleur premier long métrage, toutes sections confondues.

Une relation de couple

Mais qu'a bien pu pousser ce cinéaste, désormais bien installé au Mexique, à écrire Early Winter (Premières neiges en version française) et à venir tourner son film chez nous en anglais avec des acteurs québécois ?

« Un jour, un ami canadien m'a raconté à quel point l'hiver avait un effet psychologique profond chez les gens, surtout quand il n'en finit plus, explique-t-il. Comme j'aime les drames psychologiques empreints de réalisme, je trouvais ce cadre intéressant pour explorer une relation de couple qui s'étiole. »

Michael Rowe avait déjà visité rapidement nos terres en touriste pendant la saison estivale. Aussi a-t-il voulu vivre les vraies rigueurs de l'hiver en venant séjourner au Québec pendant un mois entier, à la saison des froids polaires. 

« Quand on vient d'ailleurs, on ne peut pas avoir une idée juste de ce qu'est vraiment un hiver rigoureux sans le vivre soi-même », estime le réalisateur Michael Rowe.

Il écrit son scénario, cherche des comédiens. Il regarde d'abord du côté des acteurs anglophones. Il ne trouve pas. Il cherche ailleurs, se tourne vers des acteurs d'ici, capables de jouer aussi en anglais. Il appréciait déjà le travail de Suzanne Clément, notamment dans les films de Xavier Dolan. L'actrice se glisse ici dans la peau d'une immigrée russe. De son côté, Paul Doucet maîtrise aussi très bien la langue de Shakespeare.

S'investir

« Suzanne et Paul sont arrivés et ils m'ont tous les deux fait pleurer, rappelle le cinéaste. Plusieurs de ceux que j'avais rencontrés auparavant avaient de la difficulté à s'abandonner. C'est quelque chose d'être un bon acteur, c'en est une autre d'accepter d'aller dans des zones plus fragiles en tant qu'être humain. Suzanne et Paul ont été formidables.

« À mes yeux, poursuit-il, les acteurs sont de vrais partenaires créatifs. On a travaillé ensemble pendant un an avant de tourner. Paul s'est beaucoup investi dans le personnage. Quant à Suzanne, je n'ai jamais eu l'impression qu'elle jouait. Elle fait partie de ces rares comédiennes qui ont cette capacité d'incarner naturellement un personnage. »

Rappelons qu'à la Mostra de Venise, Early Winter a obtenu le prix du meilleur film de Venice Days, une section semblable à celle de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes.

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Early Winter (Premières neiges en version française) prendra l'affiche le 29 janvier.

Photo fournie par le FNC

Suzanne Clément et Paul Doucet dans Early Winter