«C'est bien reçu et c'est ce que l'on espérait, lance le scénariste Marc Brunet. Le phénomène est d'autant plus évident que le public cible le manifeste instantanément sur les réseaux sociaux.»

Fortement associée à Marc Labrèche, la plume de Marc Brunet a nourri les textes des Bobos, du Coeur a ses raisons et de La fin du monde est à 7 heures.

Avec Like-moi!, le scénariste a voulu se réinventer. «C'est un show qui s'est vendu facilement, indique-t-il. Avant de vendre le concept, j'ai vendu un public cible. Like-moi!, c'était de vouloir aller chercher un public qui n'écoutait plus la télé. La génération Y. Certains n'ont même plus de télé. Ils écoutent tout sur l'ordinateur. Le mandat que je me suis donné, que j'ai vendu, c'est d'aller chercher ce groupe-là.»

Comment? «Pour les rejoindre, il fallait constater que l'humour a changé, poursuit-il. Il y a 10 ans, quand je faisais Le coeur a ses raisons et 3600 secondes d'extase, l'absurde avait la cote. En ce moment, c'est le réalisme qui est de l'avant.»

Cette «tendance au réalisme exarcerbé» s'observe dans des émissions comme Les beaux malaises et Ces gars-là.

Like-moi! est une comédie à sketchs qui illustre la quête frénétique de l'amour et du bonheur à l'ère du web et des réseaux sociaux. Dans la forme comme dans son contenu, Like-moi! reflète son époque. «Nous avons divisé le show en capsules facilement diffusables sur le web», explique Marc Brunet.

Selon le scénariste, l'industrie de la télé a enfin reconnu qu'il y avait un phénomène propre aux enfants dits du millénaire, les 18 à 34 ans, et qu'il fallait les intégrer en les ciblant. 

«Les téléromans parlent souvent de familles, pas de gens qui veulent sortir et qui veulent avoir des enfants plus tard.»

Ce public en a vu d'autres. «Les références qu'ils ont sont beaucoup plus larges. En 1990, tu parlais de Seinfeld et ce n'est pas tout le monde qui connaissait cela. Aujourd'hui, tous connaissent Amy Schumer. Il y a un référent commun plus installé.»

Les enfants et les jeunes ont une vision plus contemporaine, fait valoir Marc Brunet. «En ce moment, on ne penserait plus à faire du sitcom comme Catherine ou Histoires de filles

Même les séries pour adolescentes sont plus réalistes. La websérie Lourd, qui pourrait avoir une suite, suit trois amies de 15 ans qui ont comme expression fétiche «Lourd!». «Je voulais avoir des personnages matures qui vivent des affaires réalistes», indique la réalisatrice Catherine Therrien, qui a travaillé avec la scénariste Marie-Andrée Labbé.

Catherine Therrien rappelle l'importance de l'identification aux personnages avec des quêtes plus riches que se trouver un chum. Selon elle, la série «pivot» Girls a fonctionné parce que les personnages sont plus accessibles que ceux de Gossip Girl, par exemple. «À 15 ans, tu n'as pas une robe de chambre à 15 000 piasses.»

La jeune fille d'aujourd'hui est moins parfaite. «Elle a ses failles. Elle est dans l'autodérision, dit Catherine Therrien. Elle et ses amis se taquinent. Leurs défauts les rendent humaines.»

Des dialogues réalistes

«Dans les scénarios, la jeune fille a changé comme la jeune fille a changé», poursuit Johane Landry, chef de marque et directrice des productions originales chez VRAK. Les jeunes ont leur propre code et c'est ce que l'on voit à l'écrit maintenant. Avant, l'écrit corrigeait ce dont on parlait en société. Il y a aussi eu une vague où des adultes jouaient des enfants en reproduisant leur dialecte, et cela ne marchait pas beaucoup.»

«La tendance est beaucoup au réalisme», confirme-t-elle.

VRAK connaît beaucoup de succès avec sa nouvelle chaîne VRAK 2, notamment avec la production originale Jérémie (une adolescente à la personnalité atypique) et son magazine Code F.

«Avant, on s'adressait au noeud de la chaîne, qui est les 9 à 14 ans, mais nous avons voulu prendre plus de place. Initialement, on voulait aller chercher, avec VRAK 2, les 15 à 17 ans, mais nous avons découvert que cela va jusqu'à 25 ans et même plus. Code F. s'écoute en famille.»

Code F. oppose les opinions de jeunes personnalités féminines, dont Maripier Morin, Virginie Fortin, Mariana Mazza, Marina Bastarache et Catherine Ethier. Les thèmes discutés avec aplomb et humour vont des chicanes de filles aux colocs en passant par le dentiste.

«Code F. est un format, mais il fallait un casting d'enfer. C'est super, car c'est l'univers de plusieurs femmes. Tout passe par leurs opinions et ce qu'elles sont, donc c'est super authentique», fait valoir Johane Landry.

«L'humour de filles a la cote en général», souligne Marc Brunet. Ici (avec les Katherine Levac, Virginie Fortin, Mariana Mazza) comme ailleurs (avec les Tina Fey, Amy Poehler, Amy Schumer).

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Le public de Vrak vieillit avec des séries comme Code F., remarque Johane Landry, chef de marque et directrice des productions originales.

Quart de vie

Dans le succès des fictions auprès des jeunes adultes, brille dans l'ombre la scénariste Kadidja Haïdara, âgée de 31 ans et native de Québec. On lui doit Quart de vieLes Béliers et Le chalet. Son plus grand souci de réalisme? Présenter des personnages de toutes les origines. 

«Ce n'est pas seulement de montrer de la diversité, mais la réalité.»

Le synopsis de Quart de vie va comme suit: «Trois amies qui peinent à trouver leur place dans un monde où, dans la vingtaine, il y a trois façons de s'accomplir: en fondant une famille, en créant Facebook ou en participant à Occupation double

Cela vous dit quelque chose? Or, Kadidja Haïdara a commencé à écrire la websérie présentée sur les ondes d'ICI Tou.tv avant que ne soit diffusée la première saison de Girls, aux États-Unis. «Je n'avais pas cette référence-là. C'est surtout que je ne me retrouvais pas dans ce qui se faisait à la télé à l'époque. Je ne voyais pas souvent des personnages de filles dans la vingtaine comme j'étais. J'avais envie d'écrire une histoire qui me ressemble et de montrer une autre réalité. Le web donne une belle liberté pour cela, et cela passe beaucoup par là.»

«Je suis peut-être dans un anticourant, dit la mère d'un poupon de 4 mois. J'ai vu dans Sex and the City des filles qui ont de l'argent, qui sont toujours bien mises et dont l'intrigue tourne autour des hommes. Or, dans la vingtaine, ma génération a constaté avec déception que ce n'est pas du tout cela, la vie. Et comme chaque génération a tendance à faire le contraire de celle d'avant... bien c'est ça!»

PHOTO FOURNIE PAR L'ARTISTE

Kadidja Haïdara a commencé à écrire Quart de vie avant que ne soit diffusée la première saison de Girls, aux États-Unis.