En collaboration avec Stéphane Lépine, pour lequel il a souvent travaillé au défunt Studio littéraire de la Place des Arts, le comédien James Hyndman a proposé au Quat'Sous quatre soirées de lectures consacrées à l'amour tel que vu par Gabriel Garcia Marquez (L'amour aux temps du choléra), Ernest Hemingway (L'adieu aux armes), Milan Kundera (L'insoutenable légèreté de l'être) et D.H. Lawrence (L'amant de Lady Chatterley). Discussion avec un lecteur passionné des mots.

Q: Vous êtes devenu un habitué des lectures publiques. Qu'est-ce qu'une lecture, par rapport au jeu, apporte à un acteur?

R: Je pense que ça peut apporter beaucoup. Quand je conçois de lire devant public, j'ai toujours en tête de faire quelque chose qui soit intéressant dramatiquement. Quelque chose qui puisse être théâtral dans une certaine mesure, pour que les gens puissent ne pas être obligés de connaître quoi que ce soit de l'auteur ou du roman, que ce soit autosuffisant, qu'il puisse y avoir une montée dramatique de la première à la dernière ligne.

On parle souvent de la petite musique de l'écrivain, ce n'est pas pour rien, parce qu'on finit par entendre l'écrivain parler. Je me suis rendu compte que je lisais chacun des textes de façon différente. Un ton plus monocorde pour Hemingway, dont l'écriture porte plus sur les gestes et les actions des personnages que sur les états d'âme.

Marquez, c'est une écriture truculente, résolument latine, il y a une espèce d'excès, de virtuosité à trouver, je suis plus expressif. On se met au service d'un texte, c'est un rapport aux mots, à la diction, à une façon de parler, qui me pose, en fait.

Ça pose son homme, quelque part, de faire des lectures publiques! On ne peut pas être dans un volontarisme à tout crin. Il faut prendre le temps, se laisser porter, et que le texte respire.

Q: Aimez-vous lire à haute voix pour votre propre plaisir? Aimez-vous écouter les lectures des autres?

R: Moins. Je pense que, comme tous les acteurs, j'aime plus être sur scène qu'être dans la salle (rires). Ça m'arrive de lire à haute voix chez moi, pour entendre comment ça résonne. Des fois, je lis à haute voix à ma blonde, simplement parce que je trouve ça beau et que je veux partager ce que je trouve beau.

Q: Vous allez lire un texte que vous connaissez très bien pour l'avoir déjà lu, L'amour aux temps du choléra de Gabriel Garcia Marquez. Qu'avez-vous à nous dire sur ce chef-d'oeuvre?

R: Ah! Je ne peux rien dire que Garcia Marquez dira mieux que moi! Je suis complètement soufflé par l'écriture de Garcia Marquez, ce mélange de virtuosité, de couleurs, d'odeurs, de tout ce qu'il y a là-dedans de son pays natal au tournant du siècle, cette façon de parler du couple, de l'amour et en même temps de la fatigue du couple, mais avec tellement de tendresse et d'humanité. La tendresse l'emporte toujours, mais avec beaucoup de dérision et d'humour. C'est un cocktail très singulier.

Q: Lequel des quatre romans que vous lirez se rapproche le mieux de votre conception de l'amour?

R: Tous. Parce que je peux dire que dans L'amour aux temps du choléra, il y a quelque chose d'extraordinaire dans la vie de cette femme qui va s'acharner à aimer son mari, pour qu'à la fin, lorsqu'elle renoue avec son amour de jeunesse, elle se redécouvre pour la première fois. C'est la première fois qu'elle peut se dire: «Moi, qu'est-ce que je suis, moi?» Elle découvre qu'elle a des choses à dire, qu'elle a une individualité. Que l'amour arrive tardivement et qu'il permette cette révélation de cette femme à elle-même, je trouve que c'est merveilleux.

C'est très émouvant, on passe tous par là, homme ou femme. C'est un peu la même chose avec L'amant de Lady Chatterley. Un homme, une femme, elle plutôt dépressive, qui s'est littéralement perdue et lui qui a décidé de renoncer, pour plein de raisons. Dans cet environnement tellement parlant et puissant, qui est celui de la nature sauvage, ils se retrouvent à nu, poussés par le désir. Il n'y a plus la possibilité pour ces deux-là de jouer la comédie.

Dans L'insoutenable légèreté de l'être, lui qui est un coureur de femmes se retrouve presque nu devant la sincérité absolue de cette femme qui l'aime entièrement. Il y a toujours ça dans l'amour, on est tous mis au mur face à soi-même, d'une façon ou d'une autre, et c'est quelque chose qui se passe dans tous les romans que je vais lire.

> Amours romanesques au Quat'Sous, jusqu'en mai. Première lecture: L'amour aux temps du choléra de Gabriel Garcia Marquez, le 16 septembre, 19h30. Entrée: 16$. Pour plus d'info: quatsous.com