«Si Dieu n'existe pas, tout est permis», a écrit Dostoïevski dans Les frères Karamazov. Un aphorisme qui s'applique aussi au théâtre de Gregory Hlady. Pour preuve, l'adaptation qu'il dirige du Joueur, un récit que le célèbre romancier russe a écrit en 1866, largement inspiré de ses excès et dépendances à l'alcool et à la roulette.

Comme c'est souvent le cas chez l'auteur de Crime et châtiment, les personnages sont complexes, ambigus, et les dialogues abondent, ce qui est déjà théâtral en soi.

Or, Hlady se permet tant de licence dramatique que sa mise en scène nous donne le tournis! Gestuelle, décor, trame sonore, jeu, sous-texte : tout est surchargé dans cette production du Groupe La Veillée.

On comprend que Gregory Klady veuille s'éloigner du réalisme, en proposant un «réalisme magique». Or, il nous perd dans son univers plus déroutant et chargé qu'un songe.

Less Is More

Le joueur est le texte «le plus personnel, quasi autobiographique» de Dostoïevski. Il raconte la passion pour l'argent, l'amour et le jeu d'Alexï Ivanovitch (Paul Ahmarani). Ce dernier se rend à «Roulettenbourg» (transposition de Baden-Baden, en Allemagne, un peu le Las Vegas de l'époque). Il s'y rend bien sûr pour jouer au casino, mais aussi pour rejoindre son amoureuse, Paulina (Évelyne Rompré).

Jouer à la roulette, selon Alexï, représente l'expression suprême de son amour. Or, Paulina est courtisée par d'autres hommes; le fait que sa grand-mère très riche (Danielle Proulx) menace de trépasser y est sans doute pour quelque chose.

Heureusement, on a droit à quelques bons numéros d'acteurs: Paul Ahamarani, fébrile et touchant dans le rôle principal d'Alexï, et surtout Danielle Proulx, sublime dans la peau de la riche grand-mère russe qui dilapidera sa fortune à la roulette. Elle vole le show!

Une mention aussi à l'excellent travail du scénographe Vladimir Kovalchuk qui a dessiné une roulette géante sur la scène. Dans les scènes au casino, les interprètes se transforment en jetons et sont littéralement plongés dans le jeu de l'amour et du hasard.

Au bout du compte, ce spectacle de deux heures dix minutes, sans entracte, nous fait osciller sans cesse entre exaltation et désillusion.

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Le joueur. D'après le roman de Dostoïevski. Mise en scène de Gregory Hlady. Avec Paul Ahmarani, Danielle Proulx, Évelyne Rompré, etc. Au Théâtre Prospero jusqu'au 20 février.