Que sait-on de 2016 ? Que l'année a déjà trois jours - comme ça va vite! - et qu'elle en aura compté 366, la bissextile, quand elle passera à l'histoire. Entre-temps, en lisant les prédictions de toutes sortes sur cette histoire en devenir, on se rend compte que l'an neuf est une «année en 9». Oui, 2016: 2 + 0 + 1 + 6 = 9. Voilà qui nous fait une belle jambe, direz-vous! Voyons quand même...

Pour les numérologues, chaque chiffre a ses «vibrations» et celles du 9 porteraient vers une ouverture spirituelle, moins matérialiste, plus humanitaire. Pas une mauvaise chose en soi... L'année «en 9» déboucherait, lit-on encore, sur une nouvelle ère, car le 9, dernier de la série, amène lui-même une année de bilan. L'an prochain, voyez-vous, on recommence à 1: 2017, c'est 2 + 0 + 1 + 7 = 10 qui fait 1 + 0. On va passer à autre chose, c'est clair...

On va s'épargner les bilans des huit dernières années pour voir ce que l'année neuve pourrait nous réserver dans le vaste et riche champ culturel. En matière de fin de cycle, la première chose qui nous vient à l'esprit est la fin des préparatifs des célébrations du 375anniversaire de fondation de Montréal, qui auront lieu dans «l'année en 1» ci-haut citée, laquelle commence dans 362 jours.

Les annonces de Vive Montréal! vont reprendre bientôt à raison de deux par semaine pendant une vingtaine de semaines. 

Du familial au pointu, du classique au numérique, regard vers le passé et projection dans l'avenir, il devrait y en avoir pour tout le monde et on a déjà senti cette volonté ferme de célébrer la vivacité créative de Montréal dans l'ensemble de l'île, de Pointe-aux-Trembles au West Island, de Ville-Marie à Cartierville. 

Une bonne affaire mais reste à voir de quoi seront faits les grands rassemblements et où ils auront lieu. On s'interroge aussi, évidemment, à savoir si le maire du Plateau décidera de présenter ses propres célébrations du 375e...

L'autre bonne nouvelle, entend-on autour du 375e, concerne la transfiguration de Gilbert Rozon, commissaire aux fêtes dont la nomination avait suscité les plus lourdes craintes. Mais voilà que le patron de Juste pour rire, perçu depuis toujours comme un loup solitaire, se fait remarquer par son approche collégiale, «oecuménique» selon le mot d'un proche des travaux. Beau changement pour un homme qui a parfois tendance à se prendre pour le pape...

Les prochains mois devraient aussi nous permettre de voir comment sera célébré le 50e anniversaire d'Expo 67, le plus grand événement culturel de l'histoire de Montréal, du Québec et du Canada. Et comment ces célébrations s'arrimeront à celles du 150e anniversaire du Canada, qui avait choisi Montréal pour fêter son centenaire, en 1967. Le maire de l'époque s'appelait Jean Drapeau...

Mélanie Joly, qui a voulu entrer à l'hôtel de ville mais s'est retrouvée au Parlement comme ministre du Patrimoine canadien, aura assurément un rôle central dans cet enchevêtrement de fêtes et sur le chemin qui y mène, large perspective qui peut se transformer en sentier étroit où il est facile de s'enfarger. 

Au-delà des belles paroles lancées devant les caméras, il faudra voir comment travailleront ensemble Mme Joly et Denis Coderre, anciens adversaires devenus alliés objectifs au sein d'un trio qui inclut aussi le gouvernement québécois: la fête de Montréal ne peut être l'affaire des seuls Montréalais.

Et Montréal, métropole culturelle dans tout ça? Disons qu'on est de plus en plus nombreux à tiquer sur ce titre autodécerné qui ne prend sa réelle valeur que quand il est entériné par les autres. En 2016, quelques événements «extérieurs» devraient contribuer au prestige de Montréal comme métropole culturelle. Deux concernent l'OSM; l'Orchestre part en mars pour sa première grande tournée américaine en 25 ans et pourrait se produire à l'été 2017 ou 2018 au festival de Salzbourg en Autriche, un des plus grands festivals de musique classique et d'opéra.

Entre-temps, dans le cadre de Montréal en lumière en février, l'OSM recevra Charles Dutoit, son ancien chef qui a si longtemps milité pour la construction d'une salle de prestige, cette Maison symphonique qui a finalement vu le jour sous Kent Nagano.

L'autre vecteur de prestige international n'est pas un événement en soi mais une structure qui permet de bonifier les événements dans l'espace public: il s'agit du Partenariat du Quartier des spectacles auquel plusieurs autres métropoles culturelles s'intéressent. Comme Édimbourg, en Écosse, où se tient le plus grand festival multidisciplinaire de la planète qui a invité en août le DG du PQS, Pierre Fortin, pour présenter le modèle montréalais d'animation culturelle de l'espace public. 

Ce modèle, qui commence à faire école, est construit notamment sur une approche collaborative favorisant le décloisonnement, des infrastructures technologiques planifiées en amont (place des Festivals, etc.), des installations interactives nées de la collaboration entre diverses disciplines et, surtout, la qualité d'intervention d'un milieu coalisé auprès des pouvoirs publics. Le PQS (non, ce n'est pas un parti socialiste) multiplie les contacts en prévision de collaborations dans le cadre du 375e, événements qui pourraient se pérenniser au bénéfice de tous les acteurs.

D'autres questions se posent auxquelles 2016 apportera des réponses. D'abord, qu'en sera-t-il de cette mégaconférence APEX, sur le leadership et la gestion, organisée par evenko le 24 février au Centre Bell et mise en scène par Serge Postigo? Gros show mettant en vedette Wayne Gretzky ou «expérience de formation unique»?

Plusieurs, par ailleurs, attendent avec impatience la publication du rapport Corbo-Courchesne sur la bibliothèque Saint-Sulpice, dont les recommandations devraient apparaître assez claires. Combien de temps la Ville de Montréal - où est l'esplanade Clark? - et le ministère de la Culture vont-ils encore tergiverser avant de donner une mission signifiante à ce haut lieu du patrimoine culturel?

Les jésuites, qui l'ont édifié dans le temps du collège Sainte-Marie, ont les bras meurtris: qui reprendra le flambeau du Gesù, depuis plus d'un siècle un des terreaux les plus fertiles de la création montréalaise? Entre-temps, à l'aube de cette «année en 9», Grand Angle vous en souhaite à tous une bonheureuse!

PHOTO ULYSSE LEMERISE, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Gilbert Rozon a été nommé commissaire aux célébrations du 375anniversaire de Montréal.