L'Opéra de Montréal lance sa saison avec Lakmé, du Français Léo Delibes, dans une production déjà présentée à Montréal à guichets fermés. La soprano américaine Audrey Luna, découverte ici dans The Tempest de Thomas Adès sous la direction de Robert Lepage, au Festival d'opéra de Québec, tient le rôle-titre.

L'histoire d'amour tragique de Lakmé se déroule à Ceylan, pays voisin de l'Inde qui porte aujourd'hui le nom de Sri Lanka. Mais il s'agit surtout, en quelque sorte, d'une «contrée exotique» fantasmée par un compositeur occidental.

«À la fin du XIXe siècle, il y a eu une mode, chez les compositeurs, de situer des opéras dans des contrées exotiques, dit Alain Gauthier, metteur en scène. Ce qui est fascinant dans Lakmé, c'est que Delibes a obtenu avec sa musique des couleurs assez proches de ce que l'on s'imagine d'une ambiance orientale.»

La production est à peu de chose près la même que celle déjà présentée à Montréal il y a six ans. Il s'agit d'une coproduction réalisée avec Opera Australia, compagnie avec laquelle l'Opéra de Montréal poursuit une collaboration fructueuse depuis 2004. Les décors et les costumes seront donc les mêmes qu'en 2007. Pourquoi une telle répétition?

«Ç'a été un énorme succès il y a sept ans. Toutes les représentations ont été données à guichets fermés, et le public a vraiment adoré, car c'est une production magnifique», explique Michel Beaulac, directeur général de l'Opéra de Montréal.

Transmettre la vérité

La mise en scène est assez traditionnelle, explique le metteur en scène Alain Gauthier.

«C'est très coloré, dans l'esprit d'un conte, avec un décor somptueux», dit-il.

À travers tout cet exotisme, le metteur en scène cherche néanmoins à transmettre la vérité.

«Quand on va au coeur du sujet, la relation entre Lakmé et Gérald, je veux qu'on sente l'affrontement entre deux cultures. C'est un amour impossible et les personnages doivent faire des choix douloureux. Gérald tombe sous le charme de l'exotisme et de la finesse de cette culture, mais comme Occidental de cette époque, son sens du devoir est très développé et il réalise que cet amour n'a pas de sens, qu'il s'agit d'un rêve.»

On se retrouve donc avec une histoire qui se déroule à Ceylan à travers le regard d'un compositeur français, interprété par des chanteurs de trois nationalités différentes (canadienne, américaine et turque), dans une coproduction faite avec l'Australie, sous la direction d'un metteur en scène québécois et d'un chef d'orchestre français!

«C'est ça, le plaisir de l'opéra. Il s'agit d'un monde à part. Par exemple, Madama Butterfly se passe au Japon, mais c'est chanté en italien. Plutôt que de voir ces multiples couches comme une contrainte, il faut les voir comme un enrichissement. Dans des oeuvres comme Lakmé, on crée un pays imaginaire. On fait voyager les gens dans cet univers pour que ce soit crédible, mais on ne se sent pas obligé de faire en sorte que chacun des gestes soit exactement conforme à la réalité, ce n'est pas un documentaire. L'enjeu le plus important est d'aller au coeur des vraies émotions et des vrais enjeux humains, au-delà du côté décoratif de l'oeuvre.»

Audrey Luna

La colorature américaine Audrey Luna fait ici ses débuts à l'Opéra de Montréal. Cette habituée des rôles spectaculaires chante régulièrement la Reine de la nuit de La Flûte enchantée de Mozart.

«Sur le plan de la personnalité, Lakmé est un personnage très différent de ceux que j'incarne habituellement. Mes autres rôles sont souvent très heureux ou très dramatiques. Lakmé est zen et spirituelle. Ses mouvements sont lents et fluides. Quand je fais Ariel dans The Tempest, elle danse beaucoup, et Zerbinetta dans Ariane à Naxos est vive et dynamique. Avec Lakmé, je dois transmettre une sorte de paix intérieure. Mais cela est facile avec la musique de Delibes, car elle coule avec harmonie dans la douceur du moment.»

> Lakmé, Opéra de Montréal, 21, 24, 26 et 28 septembre, 19h30, salle Wilfrid-Pelletier.