À 31 ans, elle ne fait pas son âge. Les yeux immenses d'un bleu éclatant, la voix enjouée d'une adolescente, cette urgence intacte qu'on exhale au début de la vie adulte.

Basia Bulat a elle-même du mal à croire qu'elle a un quatrième opus derrière la cravate! Pourtant, cet album porte cette impression qu'elle a pris de l'âge: lancé sous le label Secret City Records, Good Advice s'avère un album de la maturité.

Album de bon conseil, effectivement.

«Là où mon affaire devient plus complexe, précise-t-elle d'entrée, c'est du côté de la parole. Dans ce métier, j'ai commencé par évoquer ma propre vie en chansons, sorte de documentaire personnel et poétique. Je me sentais plus sûre de mes affirmations, alors qu'aujourd'hui je pose des questions. Et je fournis peu de réponses. Certains problèmes évoqués sont insolubles... En 1964, Bob Dylan chantait: "Ah, but I was so much older then/I'm younger than that now". Il était arrivé plus vite que moi à cette conclusion [rires]!»

Si le questionnement et le sentiment d'incertitude peuvent désormais s'immiscer subtilement dans son écriture chansonnière, la musique s'impose plutôt avec assurance, autorité et cette appartenance assumée.

«Dès que j'ai commencé à faire des chansons, je me suis sentie faire partie d'une vieille tradition qui remonte aux troubadours, trouvères, conteurs. J'aimais cette idée d'être issue de cette lignée.»

La lignée, on s'en doute bien, inclut le folk moderne d'Amérique et ses variantes folk rock ou indie pop, auxquelles Basia Bulat est souvent associée.

«J'aimais au départ les chansons enregistrées succinctement, sans beaucoup d'interventions. Je créais les miennes un peu dans l'esprit de ces enregistrements d'archives que j'aime tant, comme la fameuse anthologie d'Harry Smith sous étiquette Folkways. Au fil du temps, mes chansons sont devenues plus personnelles. J'ai admis les avantages de la réalisation et des arrangements; je tends maintenant à utiliser le studio comme un instrument.»

La chanteuse a appris à faire des albums, à les enregistrer de mieux en mieux, à en visualiser la réalisation. Ainsi, son identité de musicienne s'est précisée.

«Il me fallait trouver cet endroit idéal où l'on devient ce que les autres ne sont pas, malgré le caractère intimidant de cette quête. Pendant un long moment, par exemple, j'ai voulu éviter toute référence à la pop. Or, lorsqu'on écoute mon nouvel album un peu distraitement, on peut le considérer comme pop à certains égards. Pop avec un petit p, bien sûr! [rires]»

Enregistré au Kentucky

Fait à noter, l'enregistrement, la réalisation et le mixage de ce Good Advice ont eu lieu à Louisville, au Kentucky, de l'été 2014 au printemps 2015 - à différentes reprises.

«C'est mon premier album produit à l'extérieur du Canada. Je sais, Louisville n'est pas un choix évident, mais c'est une ville très cool, qui assume sa liberté et son étrangeté dans un environnement sudiste», explique la Montréalaise d'adoption - on aurait pu la considérer d'ici vu ses liens profonds avec notre mouvance indie, mais Basia Bulat n'a quitté Toronto qu'il y a un an et demi pour s'établir à Montréal.

Et comment expliquer ce choix d'un réalisateur et de musiciens établis au Kentucky?

«En 2010, raconte Basia, j'ai fait la rencontre de Jim James à l'émission Austin City Limits. Nous avons gardé contact et sommes devenus de très bons amis. J'ai même fait des premières parties de ses spectacles en tournée. Pour ce nouvel album, je lui ai d'abord envoyé une chanson, il a très rapidement réagi et m'a proposé ses services. Il est devenu l'homme de la situation parce que nous sommes proches et que j'admire son travail.»

Une équipe de qualité

Ainsi, Basia Bulat a fait parvenir ses maquettes au sud de la frontière.

«Les chansons étaient enregistrées seule au piano, à l'orgue d'église Lowery ou à la guitare. Jim et moi avons ensuite discuté à distance des arrangements. Nous nous sommes mis à jouer dès le premier jour de mon arrivée à Louisville. Jim avait réuni un groupe extraordinaire de musiciens et chanteurs de sa région. Je suis très chanceuse d'avoir eu accès à ces artistes de grande qualité.»

Sur scène, le personnel sera différent puisque la plupart des participants à Good Advice mènent leurs propres projets.

«Je peux compter sur un bon groupe et des choristes d'ici; le show montréalais sera très spécial en ce sens. Cet album est très plaisant à jouer sur scène, d'ailleurs. En fait, Jim a pu m'emmener sur Mars! Nous avons travaillé fort à trouver un terrain commun entre nos propres références sans que cela ne paraisse, à découvrir un peu d'inconnu en jouant avec des sons futuristes, à embouteiller le tout pour le lancer vers une autre galaxie.»

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Au Club Soda le 18 février, à 20 h, dans le cadre de Montréal en lumière. Première partie: John Jacob Magistery.

INDIE POP. Good Advice. Basia Bulat. Secret City Records. Sortie le 12 février.

Trois collaborateurs de Basia Bulat

Jim James

Chanteur et compositeur principal du groupe My Morning Jacket; réalisateur de l'album Good Advice.

Twin Limb

Maryliz Bender (batterie, chant), Lacey Guthrie (accordéon, chant), Kevin Ratterman (échantillonnage, guitare, percussion); collaborateurs à l'album Good Advice.

Floating Action

Le chanteur principal de ce groupe de Caroline-du-Nord est Seth Kauffman, qui joue la basse et la guitare sur l'album Good Advice.