Le pianiste Charles Richard-Hamelin faisait hier sa rentrée montréalaise dans une salle Pierre-Mercure remplie à ras-bord. Rentrée triomphale, il va sans dire: en octobre dernier, le jeune virtuose remportait à Varsovie la médaille d'argent et le prix Krystian Zimerman de la meilleure interprétation de sonate, soit à l'occasion du 17e Concours International de Piano Frédéric-Chopin.

Se hisser au deuxième rang de cette compétition, soit l'une des plus prestigieuses sur Terre et dont un des membres du jury était nulle autre que la grande Martha Argerich, voilà sans contredit un exploit inégalé pour un pianiste québécois ou canadien.

Facile de déduire que l'entrée en matière de sa nouvelle vie de concertiste serait consacrée au compositeur et pianiste d'ascendance franco-polonaise. Soirée de pur ravissement, voilà ce à quoi ont eu droit les mélomanes à l'occasion de ce «grand récital Chopin».

Ainsi, on devinait qu'une part congrue de l'auditoire amorçait une longue relation avec ce jeune homme qui n'a l'air de rien de prime abord et... qui transcende les grands airs. Port modeste,  costume ample, sourire doux, bonhomie apparente... l'image qu'on se fait d'un col blanc sans histoire, d'un monsieur tout-le-monde venu de nulle part. De Charles Richard-Hamelin, pourtant, la musique peut devenir nourriture de l'âme, élévation de l'esprit.

On prenait jeudi la pleine mesure de son talent à travers ce choix circonspect d'oeuvres de Chopin,  après en avoir suivi virtuellement les exploits à Varsovie via l'internet. En concert dans le monde physique, on aura vite saisi que le virtuose lanaudois maîtrise sans problème toutes les avancées pianistiques du 19e siècle, dont Frédéric Chopin fut l'un des principaux responsables. Et plus encore.

Ce qui distingue d'ores et déjà Charles Richard-Hamelin des meilleurs techniciens de sa génération, c'est qu'il a sa propre lecture des oeuvres au programme. Il s'approprie ces nocturne, ballade, polonaise, mazurkas ou sonate, bien au-delà de cette perfection technique essentielle à tout concertiste de niveau s'attaquant au corpus de Chopin.

Tout est superbement dosé, en phase idéale avec une personnalité qui se dévoile dans la profondeur des oeuvres choisie. On ne sent pas ce musicien collé sur les partitions qu'il a si bien intégrées: pas de couches superflues en haute vitesse, pas d'exubérance inutile, ni fadeur ni tiédeur dans les séquences plus introspectives, précision, souplesse, pas de faute de goût. Véritable force tranquille!

À l'aube d'une carrière internationale, le concertiste de 26 ans n'a certes pas fini son développement. Les très nombreuses tournées à venir le mèneront à étoffer son style, à préciser sa pensée pour ainsi marquer les oeuvres de son interprétation, de sa patte.

Le meilleur est à venir pour Charles Richard-Hamelin.

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Charles Richard-Hamelin, pianiste. Jeudi soir, Salle Pierre-Mercure.

Programme: Grand récital Chopin - Frédéric Chopin (1810-1849)

Nocturne no. 1 en si majeur, op. 62

Ballade no. 3 en la bémol majeur, op. 47

Polonaise-fantaisie en la bémol majeur, op. 61

Introduction et Rondo en mi bémol majeur, op. 16

Quatre Mazurkas,op. 33

    No. 1 en sol dièse mineur

    No. 2 en do majeur

    No. 3 en ré majeur

    No. 4 en si mineur

Sonate no. 3 en si mineur, op. 58

1. Allegro maestoso

2. Scherzo: molto vivace

3. Largo

4. Finale: presto non tanto; agitato