Le précurseur du rock maghrébin n'est plus un jeune homme, il a derrière sa cravate (blanche sur fond noir pour les grandes occasions) quelques décennies d'intenses festivités. Ce qui n'a pas toujours donné les résultats les plus édifiants sur scène, on en convient. Toutefois, il arrive au vieux coyote de mordre et de hurler comme il se doit. Artiste futé, Rachid Taha peut se ressaisir et de donner un spectacle à la hauteur de son vrai talent.

Lundi soir à l'Olympia de Montréal, ce fut le cas.

Moins de monde dans la salle que lors des escales précédentes, parterre néanmoins garni d'amateurs fidèles et fervents. Pour être au rendez-vous, ces derniers se devaient l'être contrairement à plusieurs autres, refroidis aux FrancoFolies de 2010 au terme d'une performance émaillée de séquences pour le moins bancales... Or, le futé quinquagénaire sait rebondir et dresser la nappe de nouveau. D'abord avec un album plus rock que le précédent, plus que potable: Zoom, réalisé par le Britannique Justin Adams avec invités de marque, entre autres Brian Eno et Mick Jones.

Il était d'ailleurs question que l'ex-Clash, soit du voyage mais cela ne s'est pas concrétisé. Qu'à cela ne tienne, un excellent guitariste, Maxime Delpierre a été recruté pour compléter l'instrumentation préconisée par le maestro, avec à l'avant-plan Hakim Hamadouche, son fidèle joueur de mandole.

Le programme fut constitué majoritairement de chansons tirées de Zoom - Jamila, Zoom sur Oum, Algerian Tango, Les Artistes, Galbi, Now or Never, furieux mélange de rock, punk, chaâbi, raï, blues, cajun, répertoire incluant évocations constituantes de l'identité déployée devant nous: Oum Kalthoum et Elvis Presley. Rachid n'a jamais eu la voix de Caruso et cela ne va pas en s'améliorant, on en convient. Mais il peut retrouver l'autorité des rockeurs d'élite, force était d'observer lundi.

La courbe d'intensité est idéale. Tout le monde debout autour des tables après une heure de chauffe, ça danse et ça lève les bras en l'air sur le dernier droit, pendant que Rachid serre les mains tendues à ses pieds. Pour crémer le tout, un contingent de femmes (et de quelques hommes) monte sur scène afin de s'y esbaudir à l'écoute de Ya Rayah - incontournable reprise de Dahmane El Harrachi, enregistrée par Rachid dans les années 90. Le voltage grimpe encore d'une coche et une autre spécialité maison nous est servie: Rock the Casbah, balancée en arabe dialectal. Allégresse dans la salle.

Au rappel, le quintette rock se met à chauffer les riffs de Voilà Voilà, hymne antiraciste, bombe de rock concoctée naguère par Rachid Taha et efficacement réactivée dans le nouvel album. Le chanteur se fait attendre trop longtemps, débarque au bout de longues minutes et offre moins que ce qu'il a offert au cours de son spectacle. Il fait ses adieux et décide, finalement de faire durer le plaisir avec Garab.

L'Oriental ne fut pas désorienté, pour reprendre (et bidouiller un peu) sa propre expression.