Édith Butler, qui lance son premier disque en 10 ans, serait-elle notre David Bowie? La boutade la fait pouffer de rire. Malgré des années d'incertitude, la chanteuse et musicienne n'a pas perdu son appétit pour la vie.

Édith Butler n'a rien d'une star instantanée. Quand Montréal l'a découverte au Patriote à Clémence, en 1973, il y avait déjà 10 bonnes années que la bombe d'énergie du NouveauBrunswick chantait.

«J'ai commencé en 19621963, dans les Maritimes, mais c'était difficile d'entrer au Québec où il n'y avait pas de festivals dans ce temps-là», rappelle-t-elle dans un salon de l'hôtel montréalais où elle a ses habitudes depuis qu'elle s'est établie en permanence dans les Cantons-de-l'Est.

L'Édith des débuts a fait la tournée des festivals folk au Canada et aux États-Unis, croisant sur son chemin des Bob Dylan et des Joan Baez. Une maison de disques américaine lui a même offert un contrat qu'elle a refusé: pas question qu'elle chante en anglais.

«Je chantais la tradition acadienne. Je leur disais: si les Chinois font un album aux États, ils vont continuer à chanter leurs chansons chinoises. Ça n'a pas de sens de traduire ça.»

Retour aux sources

Dans Le retour, son premier album en 10 ans, elle renoue avec l'esprit folk de ses débuts, lorsqu'elle chantait seule avec sa guitare ou avec un accompagnement minimal. C'est également le retour d'une chanteuse qui, dans les faits, n'avait pas enregistré d'album de nouvelles chansons depuis près de 20 ans puisque son petit dernier, Madame Butterfly, était essentiellement composé de chansons traditionnelles revisitées sur des musiques du monde.

«Je n'ai jamais arrêté», dit-elle. C'est vrai, au cours des dernières années, elle est passée par Saint-Tite, a chanté sur l'album de Paul Daraîche, participé au spectacle Léo et les presqu'îles et elle était au rendez-vous pour décerner le prix de la SOPACQ qui porte son nom. Mais pas d'album jusqu'à ce disque qui marque également son retour à la santé.

En 2007, Édith Butler a encaissé un diagnostic de cancer du sein. Trois semaines après une première opération, on a dû lui faire une mastectomie.

«Le lendemain de la première opération, une de mes amies se mariait et je lui avais promis que j'irais. J'ai fait trois quarts d'heure de spectacle, j'ai fait danser le monde. Et une semaine après la grosse opération, même si je ne pouvais pas bouger le bras, je me suis retrouvée au Festival des montgolfières de Gatineau. Les gars disaient: «C'est Rambo qui arrive!»», raconte-t-elle en riant.

Plutôt que de se soumettre à de la chimio intense, elle a préféré subir des traitements pendant cinq ans. «Tant qu'on ne m'a pas dit que j'étais correcte, je ne voulais pas me hasarder à faire un album comme celui-là qui, j'ai l'impression, va m'occuper pendant quelques années. Mais quand, en septembre 2012, on m'a enlevé les médicaments, tout de suite, j'ai retrouvé toute mon énergie et ça a pété dans ma tête: «Je recommence, je repars!»»

Un album personnel

Tout juste avant qu'elle entre en studio, Luc Plamondon lui est arrivé avec le texte de la chanson Aimer la vie dans lequel il est question d'un «cancer qui frappe en pleine apothéose».

«Ça m'a frappée dans le dash, comme on dit, raconte-t-elle. J'ai dit: «Je ne pourrai jamais chanter ça, je ne peux même pas dire le mot». Luc m'a répondu: «Il faut que tu le fasses parce qu'il y a tellement de gens autour de nous autres qui en crèvent, il faut que t'en parles.» Quand je l'ai faite en studio, tout le monde braillait. Moi, je regardais ailleurs. Je n'avais même pas besoin de dire que j'allais chanter avec émotion, c'était le contraire: il fallait que j'essaie de limiter mon émotion parce que je n'aurais pas pu chanter. C'est un texte magnifique qu'il m'a écrit.»

Un texte qui tombait pile pour cet album qu'elle voulait très personnel, un disque dans lequel elle chante également une chanson à son père, qu'elle a perdu il y a huit ans.

Aimer la vie est la chanson-clé du Retour, une chanson d'espoir qui témoigne évidemment de son appétit pour la vie, mais avec un violoncelle qui s'immisce comme pour rappeler le sérieux, sinon la gravité du propos. Cette mélodie, elle l'a écrite avec en tête un orchestre de chambre. «D'ailleurs, ça s'appelait Air perdu, des mots qu'a repris Luc [Plamondon] dans son texte.»

Le retour n'est pas à proprement parler un album folk. Édith Butler parle plutôt d'un disque naturel.

«En partant, j'ai dit aux gars, dont le réalisateur Guy Tourville: «Une chanson, ça se tient tout seul. Les affaires qu'on met autour, il faut que ce soit des peaux, il faut que j'entende les peaux.» Donc, on n'a pas mis de batterie, mais c'est très rythmé: on a utilisé nos mains, nos peignes, des boîtes que j'ai faites moi-même comme dans la chanson La fille qui sort de sa coquille

Une chanson dans laquelle Plamondon lui fait chanter: «J'ai l'air d'une jeune jument sortant de son carcan après trois mois d'hiver.»

Tenez-vous-le pour dit!