Y'a d'la joie, Boum, La mer, Douce France... l'artiste Charles Trenet, qui aurait eu 100 ans le 18 mai, continue, par son intemporalité, à inspirer de nombreux chanteurs français plus de dix ans après sa mort en février 2001.

De Georges Brassens - «Tout est bien chez Trenet!» - à Jacques Brel en passant par Jacques Higelin, Alain Souchon, Patrick Bruel et, parmi la jeune génération, Thomas Fersen, M et Benjamin Biolay... beaucoup d'artistes revendiquent l'héritage du poète-chanteur, couvert d'hommages pour le siècle de sa naissance: exposition à Paris puis dans le sud à Narbonne, sa ville natale, parution de plusieurs biographies, sortie d'un CD de 12 de ses chansons à destination des enfants.

Au cinéma, son répertoire continue d'être repris dans de nombreux films, comme Boum dans le dernier James Bond. On se souvient aussi du capitaine Haddock fredonnant Le soleil et la lune dans un album de Tintin.

«Trenet avait du génie et 12 ans après sa mort, il reste au coeur de la culture française. Dans les écoles, on apprend ses chansons. Ce philosophe du bonheur, c'est le La Fontaine du XXe siècle», s'enflamme Jacques Pessis, journaliste et commissaire principal de l'exposition Trenet, le fou chantant, actuellement présentée à Paris.

1000 chansons

«Il a inventé la chanson poético-populaire», renchérit son cadet et ami Charles Aznavour, parrain de cette exposition.

Des couplets à dimension poétique, des images, une mélodie qu'on retient facilement et qui exalte la joie de vivre, du swing... En brisant les codes du vieux music-hall d'avant-guerre, il a révolutionné la chanson française et s'est assuré une carrière d'une longévité exceptionnelle.

Il a laissé un répertoire de près de 1000 chansons, dont 60 succès internationaux au premier rang desquels La mer - son plus célèbre succès, écrit... dans un train en province - Que reste-t-il de nos amours? ou encore L'âme des poètes. «Je fais des chansons comme un arbre fait des pommes», aimait-il à plaisanter.

«Je ne suis passé à côté de personne d'important dans le siècle», se vantait aussi Charles Trenet, fils de notaire provincial qui quitte dès 17 ans son sud natal pour «monter» à Paris où il peut vivre librement son homosexualité et rencontre, notamment, Jean Cocteau et Max Jacob.

C'est le temps des premières chansons et sa carrière s'envole dès 1938 avec Je chante.

Pendant la guerre, le chanteur se produit en Allemagne en août 1943 devant les prisonniers français. A Berlin, il croise Hitler. «Deux minutes», dira-t-il. À la Libération, le comité d'épuration des artistes le critique pour avoir chanté outre-Rhin mais le blanchit.

Autre période difficile pour Trenet: une traversée du désert au début des années 60. C'est la vague yéyé et il connaît des déboires judiciaires. Accusé d'avoir eu des relations sexuelles avec des mineurs, il est condamné en 1963 à un an de prison avant de bénéficier d'un non-lieu en appel.

Des accusations qu'il se refuse à évoquer en public. «Je ne m'abaisserai pas à répondre aux rumeurs lancées par M. et Mme Bobard, colporteurs de fausses nouvelles», avait-il l'habitude de rétorquer.

Mais pour ce bon vivant, le succès sera resté au rendez-vous - en France comme à l'étranger, où il a multiplié les tournées (États-Unis, Canada, Amérique du Sud...) - pendant quasiment 60 ans, jusqu'à sa mort en février 2001.

«Trenet a survécu à toutes les modes pour gagner l'éternité promise à ceux qui savent être populaires en restant simples», estime l'écrivain Stéphane Hoffmann, qui insiste: «simple» mais «pas simpliste», «léger mais profond».