Arcade Fire fait-il preuve de mépris envers les médias en ne les incluant pas dans sa campagne promotionnelle et en ne les invitant pas à ses concerts-surprises?

C'est l'avis du chroniqueur Brendan Kelly, de The Gazette, qui s'est vidé le coeur sur son blogue au lendemain du spectacle d'Arcade Fire à la Salsathèque, la semaine dernière. «C'est vraiment du classique Arcade Fire, a-t-il écrit. Traitez mal vos fans, traitez mal les médias, privilégiez le coup d'éclat média aux dépens de tout le reste et regardez ensuite les manchettes apparaître un peu partout dans le monde. On ne peut pas être plus cynique que cela.»

Ce billet de Brendan Kelly, c'est le cri du coeur d'un représentant des médias traditionnels qui ne semble pas accepter la nouvelle réalité: la partie ne se joue plus de la même façon dans l'industrie de la musique.

Avant, les artistes avaient besoin des médias pour mousser leur popularité, faire connaître leur nouveau disque ainsi que les dates de leurs spectacles. Aujourd'hui, ils peuvent s'adresser directement à leurs fans sans passer par la courroie de transmission habituelle.

Bien sûr, la plupart des artistes au Québec s'y prennent encore de la même façon: communiqué de presse, série d'entrevues dans les médias, lancement de disque, spectacle. Mais ils sont de plus en plus nombreux à s'éloigner du procédé traditionnel pour innover. Ça donne parfois des concepts malheureux, comme lorsqu'Anick Jean envoyait de fausses lettres anonymes aux journalistes, mais d'autres artistes ont mieux compris comment utiliser les nouveaux outils à leur disposition. Coeur de pirate, par exemple, qui tweete et affiche des photos sur Instagram, communiquant ainsi directement avec ses fans, au grand bonheur de ces derniers, qui ont l'impression d'avoir un accès privilégié et exclusif à la chanteuse. Ou Mister Valaire, qui a créé une communauté de fans avec qui le groupe communique sans l'entremise des médias.

Un succès sur toute la ligne

Dans le cas d'Arcade Fire, qui peaufine sa communication d'album en album, c'est un succès sur toute la ligne. Déjà à l'époque de The Suburbs, Arcade Fire avait un plan de communication solide: site web, compte Twitter, page Facebook, compte MySpace, canal Vimeo et YouTube.

On dissémine l'information un peu partout et avec une campagne de marketing originale (dont Geneviève Borne a parlé dans La Presse+ samedi dernier), on arrive à créer un phénomène viral sans avoir passé par la chaîne de communication traditionnelle. Est-ce que les journalistes sont frustrés? Sans doute un peu. Ils sont habitués d'être invités dans tous les concerts, où on leur assigne presque toujours les meilleures places. Avec Arcade Fire, c'est différent. Et pourtant, plusieurs d'entre eux, les plus jeunes surtout, ne se font pas prier pour se joindre aux fans et faire la file pendant des heures pour être présent à l'événement (dans ce cas-ci, le concert-surprise à la Salsathèque).

Bien sûr, cette façon de faire ne fonctionnerait sans doute pas si Arcade Fire n'était pas l'excellent groupe qu'il est. Mais «la méthode Arcade Fire» est surtout représentative d'une nouvelle réalité qu'on verra de plus en plus au cours des prochaines années, et pas seulement dans l'industrie de la musique. Au cinéma, au théâtre, dans le milieu des arts visuels, les réseaux sociaux changent la donne. Et les médias traditionnels n'ont d'autre choix que de s'adapter.

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On note

Lancement mercredi soir dans les locaux de la Caisse de dépôt et placement du Québec du nouveau projet de Véronique Cloutier, le magazine Véro, produit en collaboration avec Transcontinental Media (TC Media), qui publie déjà Coup de pouce et Elle Québec. Le magazine, qui sera publié quatre fois par année, sera en kiosque jeudi.