Un restaurant de Montréal ouvre ses portes. Pendant la soirée, des chroniqueurs, des blogueurs et quelques personnalités locales partagent leurs commentaires en direct sur Twitter: «C'est bon», le décor est «magnifique», la soirée «est réussie», on est en «agréable compagnie».

Une marque de cosmétiques veut faire parler de ses produits. Elle envoie des échantillons à quelques animatrices et blogueuses mode bien en vue qui, après avoir reçu leur cadeau-surprise, remercient publiquement la marque sur Twitter et Facebook, photo des petits pots de crème à l'appui.

Cette nouvelle façon de promouvoir un événement, un commerce ou un produit n'existait pas il y a cinq ans. Mais la popularité des réseaux sociaux a forcé les agences de publicité et de relations publiques à les intégrer à leur stratégie de communication. Agences et «influenceurs» sont toutefois très réticents à dévoiler publiquement la nature de leurs échanges.

«Lors d'un lancement, on utilise les réseaux sociaux pour inviter les personnes les plus influentes par rapport à une marque précise», note Malik Yacoubi, vice-président mobilité et technologies chez Cossette.

«On regarde le nombre de followers sur Twitter, de fans sur la page Facebook, de personnes qui suivent leur blogue. C'est du cas par cas qui s'inscrit dans une stratégie de relations publiques. Si on les récompense, ils vont en parler. Ça peut être un voyage dans le Sud, des accès à des événements spéciaux, etc. C'est infini.»

«Les choses ont commencé à changer il y a environ quatre ans», observe Marc Snyder, directeur, médias sociaux et communications numériques chez Hill+Knowlton Stratégies. «Avant, les clients pensaient que les blogueurs étaient des ados en pyjama dans leur sous-sol qui écrivaient des blogues pour leurs amis. Mais autour de 2010, plusieurs agences ont commencé à embaucher des responsables des médias sociaux.»

Médias traditionnels

Pour Marie-Annick Boisvert, vice-présidente relations publiques et médias sociaux à l'agence Bleu blanc rouge, l'influenceur idéal est également présent dans les médias traditionnels, à la télé ou à la radio.

«Quand je cherche un influenceur, je ne cherche pas nécessairement le nombre de followers, précise-t-elle. Je considère aussi la crédibilité des gens dans leur domaine. Pour les vedettes, c'est simple: quand elles sont présentes à un événement, les médias vont le couvrir. Au fond, c'est une pratique vieille comme le monde, un peu comme dans les années 80, quand on invitait des animateurs de radio dans les discothèques pour faire leur promotion.»

Pour Bruno Guglielminetti, directeur communication numérique chez National, «lorsqu'on cherche un influenceur, on regarde si la personne a une communauté, si elle interagit avec elle. C'est le genre de choses qui nous intéresse».

Mais qui sont ces fameux «influenceurs» capables d'avoir un impact sur l'opinion publique?

Des mégavedettes comme Guy A. Lepage et Véronique Cloutier, des chroniqueurs bien en vue, mais également des gens peu connus du grand public, des blogueurs qui exercent une certaine influence dans leur domaine respectif, que ce soit la mode, la gastronomie ou les nouvelles technologies; des gens qui un jour ont commencé à bloguer pour partager leur passion avec leur entourage et qui, aujourd'hui, en retirent un salaire et une certaine visibilité.

Michelle Blanc

Michelle Blanc fait partie de ces «influenceurs» dont la parole a un impact dans les réseaux sociaux.

Récemment, quelques minutes après avoir publié un commentaire négatif à l'endroit de la Banque Laurentienne, elle a reçu un appel du vice-président de l'institution. Consultante et conférencière, il lui arrive de faire des tweets commandités, une pratique très répandue aux États-Unis, mais pratiquement inexistante au Québec et qui consiste à payer un individu pour twitter à propos d'une marque ou d'un produit.

«Aux États-Unis, ça peut rapporter 50 000$ le tweet, mais pas au Québec, note Michelle Blanc. Quand je le fais, j'ajoute toujours «#cmdte «pour préciser qu'il s'agit d'une commandite. Au Québec, on est plutôt invité à des lancements ou des événements payants. On nous offre aussi de payer la note en échange de quelques commentaires sur un restaurant.

«Autre exemple: j'ai ouvert un compte Twitter à ma chienne qui est devenue mannequin canin par la suite. Elle mange désormais gratuitement pour le restant de ses jours! Personnellement, je crois qu'il faut faire preuve d'éthique et préciser qu'un tweet est commandité, sinon c'est ton image qui risque d'en souffrir.»

En effet, la frontière est parfois mince entre une relation mutuellement bénéfique et l'infopub. «Il y a une réflexion à ce sujet dans l'univers des relations publiques», note Jean-Sébastien Giroux, directeur-conseil médias sociaux chez Cossette. «Au fond, l'objectif c'est de trouver des gens qui ont une certaine influence et avec qui on veut développer une relation bénéfique. Ça se fait sur le long terme. Et surtout, la crédibilité est primordiale de part et d'autre. Sinon, notre communication n'a pas l'effet escompté.»

Les stars des réseaux sociaux

La Presse a demandé à Marc Snyder de Knowlton+Hill Stratégies, Marie-Annick Boisvert de Bleu blanc rouge, Bruno Guglielminetti de National et Jean-Sébastien Giroux de chez Cossette d'identifier les trois personnalités québécoises les plus influentes sur les médias sociaux:

> Guy A. Lepage (Klout 71, 200 146 abonnés Twitter)

> Véronique Cloutier (Klout 65, 156 023 abonnés Twitter)

> Dominic Arpin (Klout 68, 206 715 abonnés Twitter)

LES STARS DE L'OMBRE

Ils ne font pas partie du star-système québécois, mais ont une grande influence sur les réseaux sociaux. Qui sont-ils?

> Marie-Annick Boisvert Vice-présidente relations publiques et médias sociaux de l'agence Bleu blanc rouge (9695, Klout - À venir)

> Daniel Thibault (Klout 66, 16 315 abonnés Twitter): cofondateur de tspc, coauteur de Mirador et père de quatre enfants. Visiblement incapable de faire quoi que ce soit par lui-même!

> Katerine-Lune Rollet (Klout 72, 10 341 abonnés Twitter): chroniqueuse en tourisme gastronomique pour Canoe, VP de @slowfoodmtl, consultante et formatrice à l'INIS en web social. Elle propose régulièrement un tuyau bouffe du jour.