L'art de la pochette de disque fascine, avec raison. Grâce à la musique, une nouvelle forme d'expression est née, avec ses propres codes, ses propres références, ses propres artistes et ses propres chefs-d'oeuvre. Créées au départ pour faire vendre, les pochettes de disques sont devenues un univers en soi qui dépasse de loin la stratégie commerciale.

Pas étonnant que les livres sur le sujet soient aussi beaux et aussi nombreux. Certains ont été consacrés aux pochettes de jazz, d'autres aux pochettes de reggae, de 45-tours, et certains même à des artistes en particulier (Steinweiss).

Mais c'est encore le rock qui se taille la part du lion, avec une flopée de bouquins sur la question, comme si ce style musical était devenu la référence en la matière.

Dernier en date, Rock Covers est peut-être l'ultime ouvrage du genre, puisqu'il survole un demi-siècle de pochettes de rock, des premiers disques de rock'n'roll aux albums du début des années 2000. C'est en soi une amélioration par rapport au livre précédent des éditions Taschen sur le même sujet (1000 Record Covers), qui s'arrêtait au début des années 90.

Créé par trois passionnés, ce «beau livre» très pesant reproduit, en couleur, des centaines de pochettes de tous les styles (punk, psyché, rockabilly, hardcore, grunge, indie, folk) avec tous les crédits de rigueur, incluant l'année, le label et, bien sûr, le nom du créateur de la pochette.

Plus intéressant encore: certaines oeuvres sont dûment commentées (en trois langues), que ce soit par les auteurs du livre ou par le graphiste lui-même, ouvrant sur quelques anecdotes savoureuses.

Saviez-vous, par exemple, que le front de Van Morrison, sur la pochette de l'album Moondance, avait été coupé au montage parce que le chanteur avait un gros bouton?

Que la vache sur la pochette d'Atom Heart Mother (Pink Floyd) s'appelait Lulubelle III? Que la pochette de Power Corruption and Lies, de New Order, est une reproduction d'une nature morte du peintre Henri Fantin-Latour? Que la fameuse banane du Velvet Underground, signée Andy Warhol, ne fut pas enregistrée au bureau des droits d'auteur après la sortie du disque? Ou que les Doors avaient posé à la sauvette dans la vitrine du Morrison Hotel, pendant que le propriétaire avait le dos tourné?

Voilà le genre de choses, aussi utiles qu'inutiles, que l'on apprend au fil de ces 500 pages tout en se rinçant l'oeil, bien sûr, car cette brique aux allures de catalogue d'exposition est avant tout un festin pour les yeux, même si certaines reproductions laissent parfois à désirer.

Comme d'habitude, on peut se désoler que le choix des pochettes se résume essentiellement au rock anglais et américain. Mais un effort a quand même été fait pour intégrer des disques de rock «étrangers» (hongrois, roumains, néerlandais, grecs ou espagnols), et même une poignée d'albums français (Gainsbourg, Polnareff, Nino Ferrer).

Surprise de taille: deux chanteurs québécois sont aussi répertoriés, soit George Dor (Au ralenti...) et Robert Charlebois (album Charlebois-Forestier de 1969) qu'on présente ici comme un membre fondateur du parti Rhinocéros.

Ce qui nous fait penser qu'un livre du genre reste à faire au Québec, où plusieurs pochettes mémorables ont été réalisées. On attend toujours...

Rock Covers. Robbie Busch, Jonathan Kirby et Ed. Julius Wiedemann. Taschen, 550 pages.

Taschen