Chaque mois, notre journaliste revient sur les bandes dessinées attendues et ses lectures les plus marquantes.

L'organisation Amnistie internationale s'implique depuis longtemps dans la bande dessinée en coéditant des titres dont les thèmes correspondent aux valeurs qu'elle défend.

Deux ans après les faits, Jean-Pierre Filiu et Cyrille Pomes reviennent sur les révolutions arabes qui ont marqué l'année 2011 et qui se poursuivent encore dans l'horreur (en Syrie), dans la tension (Égypte) ou parfois dans l'ombre (on a peu parlé du Yémen).

Page après page, les deux auteurs racontent des soulèvements populaires réprimés par une force brutale, même lorsqu'ils étaient pacifiques.

Le printemps des Arabes est un hommage à ceux qui résistent contre les despotes et les drames d'individus qui ont perdu la vie dans ce combat. Un témoignage remuant.

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Le printemps des Arabes. Jean-Pierre Filiu et Cyrille Pomes. Futuropolis. 103 pages.

Le tandem qui a créé l'épopée antiromantique Pinkerton (La mauvaise tête, 2012) est de retour. Une fois de plus, c'est un bonheur de se retrouver devant ces textes aussi bavards que pleins d'esprit et ce dessin caricatural plein de trouvailles narratives et de clins d'oeil.

Poulet grain grain, «comédie agroalimentaire», raconte le délirant retour à la terre d'un illuminé horrifié par le sort des poulets «industriels» et de son comparse sceptique, mais néanmoins suiveux... qui finira par se taper l'essentiel du travail.

Trempé dans l'humour absurde, nourri par des dialogues fichtrement bien écrits, ce récit est porté par une drôlerie épique, des argumentaires fantastiquement douteux et un excellent sens de la composition derrière la naïveté apparente du dessin.

Un grand plaisir qu'on conseille aux lecteurs de Pinkerton. Et surtout aux autres.

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Poulet Grain Grain. François Samson-Dunlop et Alexandre Fontaine Rousseau. La mauvaise tête. 156 pages.

La série Promise démarre de manière convaincante avec ce récit campé dans l'Amérique profonde du XIXe siècle où un pasteur diabolique s'installe dans la petite communauté de Promise.

Son dessein n'est pas clair, mais il est assurément malsain, comme le devine la jeune Rachel, enfant dotée d'un sixième sens qui menace déjà le vilain survenant.

Le clin d'oeil aux univers tendus de Poe est évident, en plus d'être souligné par l'utilisation d'un poème que la fiction attribue à Edgar A. Perry, pseudonyme utilisé par l'écrivain américain.

Mikaël (dessinateur québécois) signe une mise en scène époustouflante, qui fait alterner les cadrages serrés sur les personnages et les cases panoramiques pour planter le décor.

Son trait et sa mise en couleur rendent par ailleurs superbement le ton du scénario de Lamy, entre suspense d'horreur et ésotérisme chrétien.

* * * 1/2

Promise - Le livre des derniers jours. Thierry Lamy et Mikaël. Glénat Québec. 48 pages.

Stéphane Lafleur, déjà connu pour ses films (En terrains connus, Continental, un film sans fusil) et les disques du groupe Avec pas d'casque, signe un premier récit dessiné par Katty Maurey.

Mon ami Bao, en fait, c'est plutôt un conte où un narrateur anonyme trace un parallèle entre un géant chinois et Gisèle, une femme apparemment bipolaire qu'il voudrait bien libérer de cette patate symbolique coincée dans son estomac qui lui pourrit la vie.

Ce petit récit est empreint d'une grande sensibilité et sa mise en image surprend ici et là, bien qu'elle se contente souvent d'illustrer le texte.

Le lien métaphorique entre les deux histoires est bien net, mais néanmoins ténu, si bien qu'on finit par trouver ce petit livre bien anecdotique.

* * 1/2

Mon ami Bao. Stéphane Lafleur et Katty Maurey. La Pastèque. 96 pages.

Guy Delisle est né à Québec. À l'été 2012, il a passé un mois dans sa ville natale et a traîné son carnet de dessin dans la vieille ville, ainsi que dans les quartiers Saint-Roch, Limoilou, Saint-Jean-Baptiste et Saint-Sauveur.

Croquis de Québec rassemble toutes les esquisses réalisées pendant son séjour. Ce qui signifie que Guy Delisle a presque exclusivement posé l'oeil sur le côté pittoresque et officiel de la capitale, c'est-à-dire ses immeubles emblématiques et son côté vieille France.

Ce petit livre est sympa au premier coup d'oeil, mais on regrette vite qu'il soit dépourvu de ce regard faussement naïf, à la fois comique et critique, que le bédéiste ose poser dans d'autres albums sur les pays où il a séjourné et même sur la paternité.

Croquis de Québec s'avère en somme bien accessoire à sa bibliographie.

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Croquis de Québec. Guy Delisle. Éditions Pow Pow. 76 pages.