Le Mexique a rendu un dernier hommage au Colombien Alvaro Mutis, décédé dimanche à l'âge de 90 ans à Mexico, lors d'une cérémonie de crémation tenue dans l'intimité.

Quelques dizaines de personnes, dont plusieurs proches et son épouse Carmen Miracle, ont participé lundi soir à une veillée dans le quartier cossu des Jardins de Pedregal, au sud de la capitale mexicaine, a constaté une journaliste de l'AFP.

Créateur d'un des personnages les plus fameux de la littérature contemporaine de langue espagnole, Maqroll le gabier, le colombien Alvaro Mutis avait reçu le prix Cervantes 2011.

Après le décès de l'écrivain, son épouse avait expliqué que «le décès (était) survenu après une grave maladie qui l'a conduit à l'hôpital dimanche dernier», il y a plus d'une semaine, selon le quotidien mexicain La Jornada.

Sa grande oeuvre était une série de sept romans composant Les tribulations de Maqroll le gabier (le moussaillon), voyageur sans but et sans avenir au passé bien rempli, devenu sous la plume du Colombien un des personnages les plus célèbres de la littérature contemporaine de langue espagnole.

Ces livres s'intitulaient La neige de l'amiral (prix Médicis étranger 89), Ilona vient avec la pluie (adapté en 1998 au cinéma), Un bel morir, La dernière escale du Tramp Steamer, Écoute moi, Amirbar, Abdul Bashur, le rêveur de navires et Le rendez-vous de Bergen. Ils sont parus en français entre 1988 et 1995.

Exilé au Mexique depuis 1956

Alvaro Mutis, ami de l'écrivain Gabriel Garcia Marquez, y raconte le voyage de son héros sur un fleuve tropical, vers une mystérieuse scierie, ou la création, avec son amante, d'une maison de passe à Panama. Il parle de bateaux, de guérillas, de répression militaire et de mines d'or dans les montagnes colombiennes, il relate des histoires d'amour, s'efforçant de «percevoir la réalité sans fard».

Au-delà du thème et du décor, cette fresque de la misère humaine «révèle les recoins les plus insoupçonnés» de l'âme de Maqroll, à la fois cynique et humain, sceptique et mélancolique, sincère et dévoué, dont la vie, passionnée et excentrique, a pour cadre des lieux, des circonstances et des atmosphères mystérieuses.

«Je cherchais un nom qui n'eût aucune signification géographique, nationale ou régionale, et brusquement l'idée m'est venue (...). Je me suis souvenu de l'histoire du nom de Kodak, que l'on avait voulu international et facile à dire dans toutes les langues», a expliqué Alvaro Mutis dans le livre d'entretiens accordés à Eduardo Garcia Aguilar (Souvenirs et autres fantasmes, 1999).

«Je n'ai jamais fait de description physique du gaviero (gabier) et je n'ai jamais dit d'où il venait. Je ne lui ai donné aucune nationalité», a-t-il ajouté en précisant qu'«il possède juste un passeport chypriote assez douteux, sans doute faux ou obtenu illégalement. Un homme qui vit de cette façon attire forcément des marginaux, des étrangers, où qu'il aille».

Né à Bogota le 25 août 1923, Alvaro Mutis a passé une grande partie de son enfance en Belgique, où son père était diplomate, avant de publier en 1947 son premier recueil de poésie La balance. En 1953, il signe Les éléments du désastre, poèmes où apparaît le personnage de Maqroll.

Il s'exile au Mexique en 1956. Il a exercé divers métiers, travaillant pour une compagnie d'assurances, une brasserie, une compagnie aérienne, une société pétrolière, réalisant et présentant des émissions de radio, s'occupant de distribution de films nord-américains.

Alvaro Mutis a reçu des récompenses littéraires dans plusieurs pays, dont le Cervantes, le plus important prix des lettres hispaniques. Ses ouvrages sont traduits dans une douzaine de langues.