Le retour de l'ex-membre de Carbone 14 Jeff Hall aux commandes d'une nouvelle création de cirque était attendu, le grand danseur et chorégraphe mijotant ce projet depuis un bon moment. Malheureusement, le résultat est décevant, son spectacle brinquebalant mêlant maladroitement musique, théâtre, danse, cirque et cinéma.

Le dispositif scénique est pourtant génial: deux grands triplex que l'on voit de biais, séparés par une petite ruelle qui sert d'espace de jeu, les deux immeubles étant reliés par des cordes à linge qui servent bien sûr à exécuter des numéros assez périlleux. Comme celui, sympathique avouons-le, d'une fille suspendue dans les airs qui s'habille en cueillant ses vêtements un à un!

Oui, quelques numéros de cirque se distinguent et s'harmonisent bien avec ce décor très urbain. Que ce soit le très beau numéro de tissu au milieu de ces grands draps blancs suspendus, le numéro de trapèze sur chaise, les duos de danse ou encore l'utilisation des escaliers en colimaçon, ce lieu de tous les possibles est parfaitement choisi.

Mais on a l'impression de voir défiler pêle-mêle (et sans distinction) toutes les idées de cette jeune équipe de création. Résultat: des tableaux surchargés et disparates, qui s'étirent à peu près tous en longueur. La projection de longs extraits en anglais du film Rear Window, d'Alfred Hitchcock, ajoute à la confusion et à la lassitude qui s'installent progressivement.

Musique irritante

Autre irritant de Ruelle: la musique. Pesante et répétitive, voire ringarde et souvent incohérente, elle ne parvient pas à soutenir les différents tableaux et leurs ambiances. La présence de l'ex-académicienne Marie-Élaine Thibert, qui chante même suspendue par les pieds, n'aide pas la cause. Même si la chanteuse a eu l'audace de faire quelques acrobaties!

Qui trop embrasse mal étreint. C'est un peu le défaut de cette production biscornue qui convie le cinéma de Hitchcock, la musique de Miles Davis et les chansons fleur bleue de Marie-Élaine Thibert à travers une histoire de voisinage, de déménagement et même de viol(!) aussi vague que confuse où l'on se demande trop souvent: pourquoi?

Pourtant, la prémisse de départ de Jeff Hall est claire: témoigner de la vie d'un quartier, avec toute sa faune bigarrée, hommes, femmes et enfants qui s'entraident et se soutiennent autant qu'ils s'épient, se jalousent, s'ignorent souverainement, se font des coups bas ou s'aiment tout simplement! Un beau terrain de jeu, peut-être trop beau, où le metteur en scène s'est peut-être emballé.

Mais tout n'est pas perdu pour ce groupe d'acrobates talentueux, le canevas de Ruelle demeurant extrêmement porteur. Seulement voilà, il faudrait séparer le bon grain de l'ivraie et préciser les intentions des personnages qui cherchent en vain leur chemin. Un chemin tortueux où les projections et la musique en particulier finissent par semer... le spectateur.

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À l'Usine C jusqu'au 9 juillet, dans le cadre de Montréal Complètement Cirque.