Dans la petite famille du cirque, Jo-Anne Lancaster et Simon Yates font figure de moutons noirs... Ce couple australien un peu grano s'insurge contre le côté glamour et superficiel du monde du cirque. Avec son spectacle Propaganda, il espère nous sortir de notre zone de confort.

«On n'est pas très inspirés par ce qui se fait en cirque aujourd'hui, nous dit d'emblée Jo-Anne Lancaster, pince-sans-rire, au cours d'une entrevue téléphonique de Lyon, où Propaganda est présenté au Théâtre de Célestin. Je n'aime pas le côté superficiel et glamour du cirque d'aujourd'hui. J'aime que ce soit sale et graveleux. J'aime les vraies personnes.»

Ne lui parlez pas non plus de romantisme, ça l'ennuie.

«Lorsque les gens disent que notre spectacle est poétique, ça me rebute. J'espère plutôt que le spectacle soit provocateur. Je ne veux pas que les gens se sentent confortables et heureux, pas tout le temps en tout cas. J'aime promouvoir un peu de confusion, un peu de déséquilibre. Ça peut être un spectacle familial, mais on n'est pas là pour faire rire les enfants.»

Présenté plus de 150 fois depuis sa création en 2010 à Albury, en Nouvelle-Galles du Sud, ce spectacle irrévérencieux qui remet en question la société de consommation dans laquelle on baigne, attire les foules.

Durant la première année de tournée, les enfants du couple, Grover et Fidel, aujourd'hui âgés de 9 et 13 ans, ont même fait partie de la distribution, mais à la suite d'un accident qui aurait pu mal finir, le couple a décidé de poursuivre son chemin à deux.

Cirque politique

Leur troupe Acrobat a été fondée en 1996, mais le duo n'a présenté qu'une petite poignée de spectacles depuis, dont Smaller, poorer, cheaper.

«Ça nous prend du temps pour créer un spectacle et puis après, on le peaufine, on l'améliore et on le tourne pendant cinq ou six ans. Tous nos spectacles sont créés dans notre jardin à Albury. Ce n'est que récemment qu'on répète certains numéros dans un studio...»

Acrobat fait-il du cirque politique?

«Je suis engagée politiquement, bien sûr, répond Jo-Anne Lancaster. On veut une justice pour tous, on veut protéger le bien commun et soigner notre planète, bien manger, rouler à vélo, des choses simples. Nous devons partager ce qu'on a plutôt que de garder tout pour soi. Il y a des idées géniales, qu'on glane ici et là, comme à Brasilia où l'on retrouve des bibliothèques de livres dans les abribus.»

Alors pourquoi ce titre de propagande?

«On s'est dit qu'on allait nous accuser de cela de toute façon, donc on a préféré revendiquer le mot nous-mêmes avant, répond Jo-Anne Lancaster. De la propagande, c'est lorsqu'on dissémine de l'information, c'est exactement ce que nous faisons. Alors on s'assume. Évidemment, on le fait avec humour et autodérision. On ne se prend pas au sérieux.»

Propagande

Cette information disséminée se résume en quelques consignes envoyées au public à l'impératif: «Sois gentil, mange tes légumes, fais du vélo et jardine tout nu.» «Le spectacle est une variation sur ces thèmes-là. C'est acrobatique, mais c'est aussi très théâtral. Cela dit, nous croyons à tout ce que l'on dit dans ce spectacle, on est très sérieux», dit l'acrobate autodidacte.

Dans un décor minimaliste fait de matières recyclables, le duo australien y va de numéros de trapèze, de mât chinois, de bicyclette, de tumbling, de slackline et de planche sautoir. La musique a été composée par Tim Barras. Jo-Anne Lancaster la décrit comme «généralement irritante». «Ce n'est pas une musique plaisante, mélodique ou enjouée.»

Qu'espérez-vous de cet exercice de propagande?: «Simon et moi, on a tout compris, répond Jo-Anne Lancaster avec une pointe d'humour. On sait quoi faire. Donc on fait un spectacle où on explique aux gens ce qu'il faut faire. Tout est dans le spectacle. À la fin tout le monde saura clairement ce qu'on doit faire pour avancer. Pour sauver le monde.»

À l'Usine C du 11 au 14 juillet.