Le directeur artistique de Circa, Yaron Lifschitz, en est déjà à sa troisième escale à Montréal. Il y a deux ans, la troupe australienne avait ouvert Complètement cirque avec Wunderkammer. La voici de retour avec S, un spectacle pour sept artistes créé l'automne dernier à Brisbane.

Q C'est la troisième fois que vous venez à Montréal en trois ans. Avez-vous un faible pour nous?

R Absolument! C'est un grand bonheur pour nous de venir à Montréal. On a beaucoup d'amis ici. En même temps on est toujours très nerveux quand on vient ici. Montréal est l'épicentre du cirque contemporain. Quand on sait que Robert Lepage vient voir nos spectacles, qu'on y croise des artistes du Cirque du Soleil, des 7 doigts de la main, ce sont nos héros!

Q Le «s» de cette nouvelle création désigne quoi au juste?

R Je m'intéresse à la puissance abstraite du cirque. Comme d'habitude, j'essaie de créer des émotions à partir des mouvements physiques du corps. Le «s» a plusieurs sens pour moi. D'abord, ça désigne le pluriel et je voulais explorer cette idée de pluralité. C'est une lettre sinueuse et sensuelle, symétrique, elle suggère aussi des courbes qui traduisent bien notre langage de cirque. Et notre volonté de le partager avec le public.

Q Qu'est-ce qui distingue S de vos autres créations?

R C'est vraiment une création d'ensemble, ce n'est pas un spectacle où se succèdent les numéros, même si nos spectacles ne sont jamais linéaires. Ce sont des séries de mouvements acrobatiques qu'on a chorégraphiés de manière à ce qu'ils soient le plus fluides possible. C'est beaucoup plus organique que nos spectacles précédents.

Q Mais quel est le thème de S?

R Je ne voulais pas concevoir un spectacle avec un thème. Plutôt un spectacle qui explorerait différents états émotifs. Il y a beaucoup de beauté dans l'expression des corps. Comme dans les arts visuels ou la danse, il y a une dimension abstraite à nos créations qui crée des émotions grâce aux mouvements. C'est comme faire l'amour avec un homme ou une femme et qu'on vous demande après quel était le thème de cette expérience. On dira que c'était beau, tendre, violent, spirituel, et puis, qu'on a roulé de son côté du lit et qu'on s'est endormi. S, c'est ça.

Q Quelles sont les disciplines de cirque que vous privilégiez?

R Ça demeure un spectacle acrobatique, vous y verrez donc des numéros d'équilibre, de contorsion, de main à main, de banquine, de tissu aussi. Mais rien n'est présenté comme un numéro. Je dis toujours à mes acrobates que leurs mouvements peuvent être reproduits mille fois mieux par des singes bien entraînés. Je ne veux pas miser sur le spectaculaire, mais sur l'humanité de l'interprète, son humeur, son humilité, ses échecs, des émotions qui signifient quelque chose pour les spectateurs.

Q Qu'est-ce qui vous a servi d'inspiration pour créer l'univers de S?

R J'aime les effets miroirs. Si vous prenez la lettre «l» et que vous formez deux arcs opposés vous obtenez un «s». De la même manière, les figures acrobatiques sont des miroirs les unes pour les autres. Je m'inspire beaucoup des mathématiques, de la littérature, de la musique et des artistes avec qui je travaille.

Q Vous avez accueilli une artiste québécoise dans votre troupe (Valérie Doucet), et vous avez aussi recruté une finissante de l'École nationale de cirque de Montréal qui est Australienne (Bridie Hooper), est-ce que vous avez un oeil sur d'autres artistes de Montréal?

R Le talent des artistes qui sortent de l'École nationale est extraordinaire et oui, on garde toujours un oeil ouvert. Mais ce n'est pas toujours facile de travailler dans notre troupe. C'est comme un mariage forcé. Les jeunes qui ont un numéro et qui veulent le faire avec nous seront déçus. On ne travaille pas comme ça. On décortique les mouvements, on travaille vraiment en groupe. C'est une démarche qui ne plaît pas à tout le monde. Et puis, nous les Australiens, on est plus durs et malpolis que vous...

Au TNM du 9 au 13 juillet.