Trevor Noah a le don de s'amuser d'absolument tout et de ne s'encombrer d'aucun tabou. Vénéré autant par les Noirs que par les Afrikaners dans son Afrique du Sud natale, révélé au Fringe d'Édimbourg en 2012, l'humoriste connaît une ascension spectaculaire, avec des passages chez Leno et Letterman et une tournée internationale.

Plus dérisoire que provocateur, ce protégé du Britannique Eddie Izzard arrive lundi sur la scène de l'Underworld, avec son humour à la fois badin et social qui se promène dans des territoires aussi délicats que le sida, l'apartheid et les tensions raciales.

«Certains humoristes veulent choquer à tout prix. Pas moi. Ce qui m'intéresse, c'est de parler de choses drôles qui font partie de ma vie quotidienne. L'humour est un outil fantastique qui permet de mettre en lumière des sujets sensibles balayés sous le tapis depuis trop longtemps», explique au bout du fil ce grand mec couleur café, qui concède avoir traversé sa juste dose de souffrances.

Jeunesse à Soweto

Né à Soweto - un township (banlieue noire) près de Johannesburg - en 1984, Noah est un «enfant du crime» de l'Afrique du Sud de l'apartheid, puisque son père d'origine suisse et sa mère sud-africaine n'avaient pas le droit de vivre ensemble, leur union étant illégale. Le jeune Trevor a donc grandi auprès de sa mère et de ses grands-parents maternels.

Noah soutient n'avoir jamais entretenu de velléités artistiques pendant sa jeunesse. Et c'est un pur hasard qui l'a amené à amorcer sa carrière sur les planches des «comedy clubs» de Johannesburg. 

Encouragé par ses copains, Trevor Noah a tenté sa chance lors d'une soirée à micro ouvert. Sa prestation improvisée n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd: il a été repéré par un propriétaire de boîte de nuit. C'est ainsi qu'il est rapidement devenu une supervedette de l'humour au pays de Mandela.

Rire des Blancs, rire des Noirs

Un de ses numéros les plus célèbres est son imitation de Jacob Zuma, le président sud-africain controversé. La seule évocation du chef polygame de l'ANC provoque chez lui un éclat de rire.

«Les présidents de partout dans le monde sont de bonnes sources d'inspiration comique. Zuma est quelqu'un de très polarisé, donc il offre beaucoup de matière pour la comédie. Nelson Mandela aimait bien rigoler et avait un bon sens de l'humour.»

Trevor Noah se dit très attaché à son pays natal, où la scène de l'humour est en pleine explosion. «L'Afrique du Sud est un endroit fantastique avec une histoire très riche et une jeune démocratie. Ce pays restera toujours ma maison.»

La mixité raciale de l'humoriste est un atout, puisqu'elle lui donne la liberté de se moquer autant des Blancs que des Noirs. 

En revanche, aux États-Unis, où sa carrière est en plein essor, il a connu un choc culturel en étant perçu comme un Noir. Son expérience en sol américain lui a ainsi inspiré un numéro où il fait face à l'ignorance d'une jeune surfeuse de Malibu qui lui demande si, en tant qu'Africain, il a déjà eu le sida...

«Les questions raciales existent partout sur la planète et ça m'intéresse d'explorer la façon dont on entre en relation avec les étrangers dans divers endroits dans le monde. Certaines perceptions de l'Afrique ont la vie dure; voilà pourquoi j'aime utiliser certaines expériences personnelles dans mes spectacles.»

L'Afrique du Sud ne détenant pas l'exclusivité des tensions raciales, Trevor Noah utilise ce thème dans ses numéros, qu'il a promenés dans le monde anglo-saxon. Il les adapte un peu, selon le contexte spécifique de la ville qui le reçoit.

Il a bien failli rater sa première visite à Montréal, ayant eu des problèmes de visa qui l'ont paralysé quelques jours à Johannesburg. Mais il sera bel et bien des nôtres, en solo, avec son regard de créature mixte sur un monde en évolution. Un être né du crime, devenu véritable citoyen du monde.

> Trevor Noah sera sur la scène du Cabaret Underworld, dans le cadre de Just for Laughs, du 22 au 27 juillet.