Elles ont passé en dernier dans une soirée qui, malgré quelques beaux moments, avait jusque là laissé le public sur sa faim. En les voyant arriver avec leurs guitares, grimaçantes et gesticulantes, on a su qu'on venait de changer de registre. «Chus motivée ! chus motivée!», ont chanté Sonia Brochet et Cynthia Veilleux qui, après une chanson, avait le Palace tout entier dans leur petite poche.

Une heure plus tard, la grande Sonia et la petite Cynthia étaient couronnées lauréates du 45e Festival de la chanson de Granby sous le nom de Garoche ta sacoche, un choix que Normand Brathwaite leur demandera sûrement d'expliquer quand le duo passera à Belle et Bum, ITAL le 28 septembre.

Garoche ta sacoche... Après les Tireux d'roches, on se dit qu'il manque juste Lance la serviette et Pitche-moé l'beurre... Comme Lisa LeBlanc, la lauréate de 2010, le duo de Québec mélange l'anglais et le français, mais sans l'accent chiac et pour seules fins d'humour. Burn in, burn out, Madelaine is tricotting all night...

«Mélange entre les soeurs McGarrigle et les Denis Drolet», lisait-on dans le programme du festival à propos de ce duo de fantaisistes qui reprend l'A20 les sacoches pleines de prix: du cash, du temps de studio, des participations à des festivals dont les FrancoFolies -Juste pour rire sera jaloux- et des tournées partout.  Une valeur de plus de 50 000$: Granby est bien doté. Quant aux comparaisons, va pour l'aisance harmonique comme chez Kate et Anna, mais, dans l'humour «déjanté», Garoche ta sacoche fait quand même moins lourd que les D.D.

Avant «Garoche», le Palace avait vu cinq prestations aux qualités diverses, dont la belle voix de Sarah Cochrane, citoyenne du monde qui s'est démarquée avec Le doute au milieu, prix de la chanson pop Tim Horton, et une chanson de facture country qu'on aurait dit tout droit sortie d'une nouvelle d'Edgar Allan Poe.

Dans une soirée d'essence très folk -tous les finalistes s'accompagnaient à la guitare sèche-, l'Acadien Dave Puhacz, lauréat du prix du public, est venu planter deux pièces rock où les solos de Rick Haworth, le guitariste du «meilleur band au monde» (dirigé par Philippe Brault), ont ajouté un peu de relief à une soirée un brin flonflon.

Personne, finalement, ne repart de Granby les mains vides; en plus de la bourse de 1000 $ remise à tous les finalistes, le Montréalais Mathieu Rancourt a gagné des invitations à la FrancoFête acadienne et à Winnipeg, tandis que le Monctonien Raphaël Butler prendra le traversier pour Tadoussac l'été prochain; le jeune Montréalais Éric Charland a remporté pour sa part le prix Artisti de 1500 $ (voir www.ficg.qc.ca pour la liste complète).   

Et il y a la manne de Garoche ta sacoche dont le choix a laissé plus d'un sceptique... Mais pourquoi le rap de Rod le Stod l'an passé et pas la chanson fantaisiste cette année? Qu'est-ce qu'une chanson?

Quoi qu'il en soit, les deux auront éventuellement leur photo à cette Maison de la chanson que le festival projette pour son 50e anniversaire en 2018. Un projet d'une quinzaine de millions, a appris La Presse, où le passé, le présent et le futur de la chanson québécoise se rejoindraient dans un même lieu.

Le ministre de la Culture, Maka Kotto, a eu vent du projet et n'est pas contre... la vertu. «Granby, a expliqué le ministre en entrevue à La Presse, a une place unique dans les festivals québécois en ce que, centré sur la relève de la chanson, il est tourné vers l'avenir. Cette Maison de la chanson est certes un projet signifiant et nous attendons le dossier complet pour évaluer son ampleur et, ce qui représente toujours l'étape déterminante, notre capacité de le financer.»

Entretemps, le Festival de la chanson de Granby ajoute à ses acquis une année record de plus de 30 000 spectateurs en salles et sous ses chapiteaux. Aujourd'hui, tout le monde rentre à la maison, qui à Maisonnette, qui à Brussels ou à Rivière-au-Renard. Tout le monde sauf le duo français Éléphant - ils ne font pas 100 kilos à deux...- qui se produit ce soir au Divan Orange, boulevard St-Laurent. Après Bercy, où ils étaient récemment avec Patrick Bruel, ça va faire changement...