Virginie Fortin ne pisse pas debout. Mais elle fait rire les gens, debout comme un gars, une blague à la fois, sans parler de sa famille, de sa vie sexuelle ou de ses hormones. C'est une stand-up comic au sens pur, une espèce rare sur nos scènes.

En mars dernier, ils étaient 125 à tenter leur chance au concours En route vers mon premier gala Juste pour rire. Virginie, une petite vite, diplômée de l'Université McGill, qui a appris les rudiments de son art à Toronto, a franchi toutes les étapes avec succès. À la fin, c'est elle qui a remporté le grand prix: une participation assurée au gala sur le chiallage d'Emmanuel Bilodeau le 17 juillet.

Pas mal pour une fille de 26 ans qui a mis du temps à s'avouer qu'à défaut de sauver la vie des gens, elle les ferait rire.

D'entrée de jeu, ce qui frappe lorsque Virginie Fortin apparaît sur une scène, c'est son calme olympien. À première vue, elle a l'air d'une jeune fille sage, mignonne, bien élevée et parfaitement inoffensive. Puis elle ouvre la bouche et des énormités en sortent, comme s'il y avait un esprit malin tapi au fond d'elle, qui torpille ses bonnes manières et ses belles valeurs humanitaires.

«Sur scène, dit-elle, c'est la Virginie en contrôle qui sort, une Virginie inatteignable, calme, posée, qui peut tout faire. C'est simple, c'est comme si mon mécanisme de défense était devenu un personnage.»

Deux Virginie

Virginie Fortin, une brune voluptueuse avec une tignasse de cheveux noirs et de grands yeux marron, m'attendait dans le lobby de La Presse. Je m'attendais à une fille sûre d'elle, avec un soupçon d'insolence. Mais il y a deux Virginie. Et celle dans la vraie vie est le parfait contraire de l'autre.

«Avant d'entrer sur scène, je suis un paquet de nerfs, émotive, stressée au boutte. Je me demande pourquoi je veux faire ce métier-là, à quoi ça sert. Je veux mourir, je veux m'enfuir, mais dès que je mets le pied sur scène, l'autre Virginie prend le contrôle et tout retombe en place.»

L'autre Virginie, qui écrit ses textes avec deux complices, Louis Courchesne et Philippe Cigna, n'est pas née du jour au lendemain.

Même qu'elle s'est cherchée longtemps en se réfugiant dans les études. D'abord à McGill, où elle a fait une maje ure en études littéraires, doublée d'une mineure en études hispaniques et d'une autre mineure en études russes, qui l'a menée à Saint-Pétersbourg pendant cinq semaines pour apprendre le russe. Tout cela pour gagner du temps et ne pas s'avouer qu'elle brûlait de se retrouver sur scène pour faire rire les gens.

En 2009, avec son bac en arts en poche, elle a décidé de prolonger le sentiment de sécurité que lui procurait l'école en faisant un certificat en communications.

«Je n'étais pas encore complètement décidée à abandonner le monde des études pour un métier qui ne me promettait rien. Peut-être que je me mentais. J'ai pensé un moment m'inscrire à l'École de l'humour, mais j'avais 23 ans et je me trouvais déjà trop vieille. Aujourd'hui, je me rends compte que toutes ces années d'études m'ont donné une culture générale indispensable, à mon avis, pour faire rire les gens. Je n'ai rien contre les blagues de pet, mais je doute qu'on puisse en bâtir une carrière.»

Fille de comédien

Fille du comédien Bernard Fortin, Virginie a grandi à Boucherville entre son frère aîné Simon et sa soeur cadette Corinne. Elle a traîné dans les loges de son père au théâtre, sur les plateaux de télé et dans les studios de doublage, en pensant que c'était le lot de tous les enfants.

«C'est juste en 5e année au primaire que j'ai pris conscience que mon père était connu. Plus tard, quand j'ai été repêchée par la LNI et que je me suis retrouvée dans l'équipe de mon père, j'ai tout fait pour calmer mon sentiment d'imposteur et pour prouver que j'étais à la LNI parce que j'étais bonne et pas grâce aux contacts de mon père. Ça c'est confirmé quand il a quitté la LNI et que j'ai continué pendant quatre autres saisons.»

Pendant ses études, entre deux matchs d'impro, Virginie a gagné sa vie comme hôtesse dans les loges privées du Centre Bell. C'est ce job à temps partiel qui lui a permis de se payer un stage de deux mois au Second City de Chicago, La Mecque des comiques américains, qui offre aussi un volet de formation.

«Je savais que j'avais un côté comique, mais à Chicago, j'ai découvert que j'étais capable d'être drôle, même en anglais. Je serais restée si les visas avaient été plus faciles à obtenir. Mais comme il y avait une franchise de Second City à Toronto, j'ai décidé d'y aller. Ça simplifiait beaucoup les choses.»

Baveuse

Virginie a passé sept mois à Toronto en gagnant sa vie comme serveuse et en étudiant les bases du stand-up comic. À la fin du cours, elle a fait son premier stand-up au club Absolute Comedy de la rue Younge, en jouant sur le fait qu'elle était Montréalaise pour mieux se payer la gueule des Torontois.

«C'est à Toronto que j'ai développé mon côté plus baveux et que j'ai opté pour le style plus cinglant des one-liners. On a beau dire, les Anglos sont capables d'en prendre. On peut se permettre d'être impolis avec eux et de les piquer sans qu'ils s'en offusquent. Au Québec, des fois, c'est plus délicat.»

Au bout de sept mois, elle a néanmoins décidé de revenir à Montréal. Elle y a retrouvé sa famille, notamment sa petite soeur Corinne. Les deux chantent dans le groupe comico-pop Which is Which avec six autres musiciens, dont Jean-Sébastien Houle - le même qui, en janvier, s'est donné le défi de composer une chanson par jour pendant les 365 jours de 2013.

Résultat: à cause de cette aventure, mais aussi des projets respectifs des autres membres, Which is Which est pour l'instant sur la grosse glace.

À 12 ans, Virginie rêvait de jouer dans la LNI. Ce rêve-là s'est réalisé, tout comme celui de participer à un gala Juste pour rire, celui animé par Emmanuel Bilodeau le 17 juillet prochain.

Virginie a dû se trouver un nouveau rêve. Deux, en fait: participer à Saturday Night Live - un rêve impossible - et présenter son premier spectacle solo - un rêve plus plausible. En attendant, elle entreprendra cet automne sa huitième saison d'hôtesse au Centre Bell. Parions que ce sera sa dernière.

Les choix de Virginie

Son livre préféré : Le nez qui voque de Réjean Ducharme

Son comique préféré : Anthony Jeselnik

Sa série télé comique préférée : Modern Family

Ce qui la fait crouler de rire : Les gens qui tombent

Où voir Virginie cet été : Au Zoofest, les 9, 10, 23 et 24 juillet; au Théâtre de la Marjolaine dans Un coup de maître, à partir du 18 juillet; dans un gala Juste pour rire.