Une visite au Musée des beaux-arts de Montréal se conçoit comme un magasinage au rayon de l'esprit. Mais quand le parcours stimule à la fois la vue et l'ouïe, on est proche du ravissement. Présentée jusqu'au 19 janvier, l'exposition Splendore a Venezia: art et musique de la Renaissance au Baroque dans la Sérénissime comblera tant les mélomanes que les amateurs de peinture vénitienne.

La directrice générale du musée, Nathalie Bondil, Hilliard T. Goldfarb, le concepteur de l'événement, et François Filiatrault, le commissaire musical, ont réussi à accorder arts visuels et musique pour nous faire pénétrer dans trois siècles d'une Venise au service de l'art. C'est à une riche promenade intellectuelle que nous invite Splendore a Venezia, la première exposition consacrée à cette rencontre harmonieuse entre deux formes d'expression artistique alors au zénith, la peinture et la musique.

Une lente visite permet d'apprécier les détails de ces chefs d'oeuvres de l'âge d'or de Venise prêtés par 61 musées et collections d'Europe et d'Amérique. On se plaît à découvrir des oeuvres exposées souvent sans vitrage, là, sous nos yeux, parfois plus de 300 ans après avoir été peintes, gravées ou sculptées. Émouvant. Des oeuvres qui nous permettent de plonger aussi dans trois siècles d'histoire, de guerres, de paix, d'ambitions et de déclins.

J'ai été comblé avec ce tableau de Francesco Guardi, Concert en l'honneur du souverain pontife à l'église Santi Giovanni e Paolo, réalisé à la suite de la visite du pape Pie VI en 1782. Le cartel, près du tableau, permet de distinguer dans la toile moults détails qui nous font littéralement revivre l'événement. Fascinantes ces huit gravures exceptionnelles de Matteo Pagano, datant de 1556-1561, sur la procession du doge devant son palais. Étonnant aussi de constater la différence de style entre les toiles de Francesco  Guardi (1712-1793) et celles de Canaletto (1697-1768) quand ils décrivent l'architecture vénitienne: Guardi avec un style moins académique et plus impressionniste qu'un Canaletto aux perspectives strictement fidèles.

En contemplant la chapelle ducale devenue la basilique St-Marc après que les reliques de saint Marc eurent été rapportées d'Alexandrie à Venise en l'an 828, on se rappelle que ce sont deux marchands vénitiens qui étaient allés voler ces reliques dans la chapelle de Bucoles à la demande du doge...

Dans la salle consacrée aux institutions religieuses de charité, les «ospedali», on découvre ces orphelines émancipées par la musique. Confinées par tradition à ne jouer que du clavecin ou du luth, elles se sont mises au violon et à d'autres instruments, dont certains, rares, sont placés dans des vitrines, tels que le théorbe, l'archiluth ou le cornet à bouquin.

L'installation de la gondole prêtée par Guy Laliberté est astucieuse. Pour l'admirer sans risquer de l'abimer, elle a été placée dans une salle fermée. On en voit la structure, les sièges rembourrés et les incrustations que grâce à des fenêtres étroites.

L'exposition célèbre aussi l'arrivée de la notation musicale polyphonique de l'imprimeur vénitien Ottaviano Petrucci, en 1501, qui a permis l'épanouissement et la démocratisation de la musique. Enfin, la dernière salle honore l'opéra, Venise ayant généré les premières divas et accueilli le premier théâtre d'opéra ouvert au public en 1637. On y a vendu les premiers billets. Le peuple prenait place au parterre. L'élite montait dans les loges. Au 17e et au 18e siècle, il y a eu jusqu'à neuf salles d'opéra à Venise. Le premier joué fut Andromeda, du compositeur Francesco Manelli et du librettiste Benedetto Ferrari, dont on peut écouter une version sur place.

Optimal, l'accompagnement musical de la visite est de deux types: la musique d'ambiance, diffusée doucement dans chaque salle, ou l'audioguide musicologique qui comprend 18 extraits que l'on écoute devant les oeuvres correspondantes.

Quelle belle initiative également que de permettre aux amateurs de musiques anciennes de compléter la visite en assistant dans la salle Bourgie à des concerts durant lesquels on peut entendre les vieux instruments vus à l'exposition. Et quel plaisir d'étancher notre soif d'en savoir plus avec un livre scientifique de 240 pages d'une grande qualité éditoriale. Splendore a Venezia est une initiative muséale heureuse ayant réclamé obstination, sens de l'histoire et goût. Une exposition à savourer en plusieurs fois et pour laquelle on peut dire: Bravissimo!

________________________________________________________________________________

Splendore a Venezia. Au Musée des beaux-arts jusqu'au 19 janvier.