Vous cherchez un médecin de famille? C'est bien connu, c'est à Montréal que la tâche est le plus ardue. Mais tous les Montréalais ne sont pas égaux dans leur quête: seulement la moitié des résidants du Plateau Mont-Royal, de Villeray, de La Petite-Patrie et du centre-ville ont un médecin de famille, alors que dans l'ouest de l'île, ils sont plus de 70%. Si on veut être suivi par un omnipraticien, mieux vaut s'établir à Pierrefonds, Lachine ou Saint-Laurent.

Le Dr Marc-André Asselin travaille à la Clinique médicale 3000, dans le quartier Rosemont. C'est la plus importante du secteur. Elle sert de groupe de médecine familiale (GMF) et de clinique sans rendez-vous.

«Il y a parfois 70 personnes qui font la file le matin avant même qu'on ouvre nos portes, décrit-il. Nous sommes ouverts 7 jours sur 7, les soirs et les week-ends. Nous avons beau faire de gros efforts, nous sommes complètement débordés.»

C'est donc sans surprise que le Dr Asselin, qui est aussi président de l'Association des médecins omnipraticiens de Montréal et premier vice-président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), constate que seulement 62% des habitants de son secteur sont pourvus d'un médecin de famille, loin de la moyenne québécoise de 75%. C'est encore plus loin de la réalité à Québec, dans le Bas-Saint-Laurent, au Saguenay-Lac-Saint-Jean ou dans Chaudière-Appalaches, où de 82 à 89% des résidants sont suivis par un omnipraticien.

«Lorsque l'on compare les régions, on a parfois l'impression que des petits points de pourcentage les séparent. On se dit: "Bah, ce n'est pas tant que ça, 10-15% de différence." Mais dans une région populeuse comme Montréal, c'est astronomique! Ça représente 600 000 personnes qui n'ont pas de médecin de famille, qui consultent à droite et à gauche et qui font déborder les urgences.»

Vaste chantier

Ces statistiques proviennent d'un sondage mené pour le ministère de la Santé du Québec. C'est la première fois que le gouvernement brosse un portrait aussi précis de l'accès à un médecin de famille.

Commandée par l'ancien ministre Yves Bolduc, l'étude a coûté plus de 350 000$. En tout, 37 284 personnes ont été jointes entre mars et mai 2012 par la firme SOM.

Ce qui fait la particularité de l'étude, c'est la précision territoriale. Les sondeurs ont téléphoné à 400 répondants dans chaque Réseau local de services (RLS). Le Québec en compte 95; Montréal, 12.

L'actuel ministre de la Santé, Réjean Hébert, avait déjà révélé, ce sondage à l'appui, que 25% des Québécois n'avaient pas de médecin de famille. C'est de là, notamment, que vient la statistique répétée ad nauseam qu'un Québécois sur quatre n'a pas de médecin de famille. À Montréal, c'est 34%.

Grâce à la Loi sur l'accès à l'information, La Presse a pu obtenir les résultats du sondage par région et ainsi tracer la carte de l'accès aux médecins de famille.

De cette recension émerge un portrait clair. «À Montréal, les zones les plus densément peuplées sont celles qui ont le moins de cliniques», explique le Dr Asselin.

Ce dernier avance que les cliniques ont été mises sur pied de façon un peu anarchique au cours des deux dernières décennies et que le problème de l'accessibilité date des années 90. Il explique qu'il faut mettre les bouchées doubles pour ouvrir davantage de GMF et de cliniques réseau en ciblant les secteurs où il existe une pénurie.

«Il faut aussi plus de médecins de famille. Montréal en reçoit environ 80 nouveaux par année dans un réseau où il y a 15 hôpitaux de soins généraux et spécialisés, en plus de toutes les cliniques. On n'est pas capables de refaire nos effectifs.»

Le sondage a aussi montré que 29% des Montréalais qui ont un médecin de famille attendent de un à trois mois avant d'avoir un rendez-vous. La situation est le plus critique dans les secteurs du Plateau Mont-Royal ou de Ville-Marie où 39% des résidants ont patienté aussi longtemps. Dans Hochelaga et Verdun, c'est 34%.

Par ailleurs, plus de 70% des habitants d'Ahuntsic, de Villeray, de La Petite-Patrie, de Pierrefonds et de Rivière-des-Prairies estiment qu'il est difficile d'obtenir des soins médicaux le soir ou le week-end sans avoir à se rendre à l'urgence d'un hôpital.

À l'Agence de la santé de Montréal, on affirme être préoccupé par la situation de l'accès, mais que ce sondage est un outil intéressant. «Chaque territoire a dû faire parvenir un plan d'action à ce sujet, a affirmé la porte-parole Marie-Josée Thibert. Il ne faut pas perdre de vue qu'à Montréal, la clientèle a des besoins variés et spécialisés. Nous avons d'ailleurs un pourcentage de clientèle vulnérable plus élevé qu'ailleurs au Québec.»

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Pourcentage de Montréalais qui ont accès à un médecin de famille

> Ahuntsic et Montréal-Nord: 69,2 %(11,6 %)

> Côte-des-Neiges, Outremont et Parc-Extension: 64,9 %(13,5 %)

> Côte-Saint-Luc, Notre-Dame-de-Grâce et Montréal-Ouest: 69,9 %(13,3 %)

> Dorval, Lachine et LaSalle: 72,8 %(11,3 %)

> Ville-Marie et Plateau Mont-Royal: 53,8 %(18,9 %)

> Hochelaga et Rosemont: 62,2 %(13,9 %)

> Nord-de-l'île et Saint-Laurent: 70,5 %(12,6 %)

> La Petite-Patrie et Villeray: 54,7 %(17,4 %)

> Pierrefonds et Lac-Saint-Louis: 74 %(14,3 %)

> Rivière-des-Prairies, Anjou et Montréal-Est: 67,9 %(14,1 %)

> Saint-Léonard et Saint-Michel: 64,7 %(17 %)

> Verdun: 65,3 %(12,3 %)

> Total Montréal: 66,2 %(14,1 %)

> Total pour le Québec: 75,2 %(10,3 %)

Source: Sondage SOM sur l'accessibilité aux médecins de famille dans les régions du Québec commandé par le ministère de la Santé du Québec. Données par Réseaux locaux de services (RLS).

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Qu'en est-il ailleurs au Québec ?

> 88% des citoyens de Chaudière-Appalaches ont un médecin de famille. C'est la région du Québec où les patients ont le plus de chances d'en trouver un: seulement 2% d'entre eux en ont été incapables.

> 68% des citoyens de Laval ont un médecin de famille. Après Montréal, c'est la région où il est le plus difficile d'en trouver un. En Montérégie c'est plus facile, avec 76% des patients qui ont accès à un omnipraticien.

> 76% des citoyens de l'Outaouais ont un médecin de famille, mais parmi ceux qui n'en ont pas, 15% sont incapables d'en trouver un.

> 74% des Québécois estiment qu'il est difficile d'obtenir des soins médicaux le soir ou la fin de semaine sans avoir à se rendre aux urgences d'un hôpital.

> 50% des Québécois qui ont un médecin de famille arrivent à le voir en moins d'un mois, tandis que 33% affirment patienter d'un à trois mois.

> 27% des Québécois sont suivis par un médecin spécialiste.