Légal ou pas, le pot synthétique? Alors que les fabricants martèlent que oui, Santé Canada affirme que non. La réponse est quelque part entre les deux.

Au Canada comme aux États-Unis, la politique est simple. Les produits contenant des cannabinoïdes synthétiques qui imitent les effets de la marijuana sont illégaux. Mais pour savoir qu'un produit imite les effets du cannabis, il faut prouver qu'il est destiné à être consommé, puis il faut chaque fois l'analyser. C'est ici que les choses se corsent.

«C'est difficile de prouver qu'une substance a une structure chimique et des effets secondaires semblables à de la drogue, explique l'agent spécial Thomas J. O'Donnell, du département de la Sécurité intérieure américaine. À cause de ça, les forces policières ont mis beaucoup de temps à rattraper [les fabricants]. L'industrie se cache en faisant semblant que les produits ne sont pas destinés à être consommés.»

Prouver le contraire est un autre défi, explique l'agent. «C'est parfaitement légal de manufacturer ces produits, sauf si le but est que les gens se gèlent avec.»

Cela ouvre la porte à un véritable flou juridique dans lequel même la police peine à se retrouver. Le marasme est tel qu'au Canada, l'encens herbal reçoit des traitements différents de la part des corps de police selon les villes où il est vendu.

À Montréal, il est considéré comme illégal. Mais selon une enquête du réseau CBC, la police de Winnipeg ne le considère pas comme une substance contrôlée. À Calgary, la police a procédé à une importante saisie en 2011, mais aucune accusation n'a pu être déposée. À Windsor, les forces de l'ordre ont envoyé des échantillons à Santé Canada afin de confirmer qu'ils contenaient des cannabinoïdes synthétiques avant de sévir.

Et pour compliquer encore plus la tâche déjà ardue des autorités, les fabricants de spice modifient régulièrement les ingrédients contenus dans la drogue pour ne pas se retrouver sur la liste des substances interdites au pays. Ils arrivent ainsi à en conserver les propriétés, tout en contournant la loi.

Même les scientifiques se font prendre au jeu. «Les laboratoires n'arrivent pas à être à jour pour le dépistage, parce que les molécules changent souvent. Pour savoir qu'une personne en a consommé, les médecins se basent sur les symptômes, très semblables à ceux provoqués par le cannabis, et tentent d'avoir des aveux», explique le Dr René Blais, directeur médical du Centre antipoison.

«C'est le jeu du chat et de la souris, dit en soupirant Jessica Turmel, coordonnatrice du Groupe de recherche et d'intervention psychosociale de Montréal. Il y a souvent des fenêtres de temps où le produit n'est plus disponible durant un mois ou deux [pour en modifier la composition].»

C'est actuellement le cas dans plusieurs magasins de Montréal, où on en trouve habituellement. «Du spice? On n'en a pas pour l'instant. Notre fournisseur doit modifier le produit pour qu'il redevienne légal. On devrait en recevoir bientôt», nous a affirmé le jeune employé d'une succursale d'un magasin d'accessoires pour fumeurs de la métropole, extrêmement bien informé du stratagème.

«Ça ne prendra pas de temps avant que les magasins en reçoivent d'autres», prévient Mme Turmel.