La Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) souhaite mettre un terme au «bar ouvert» qu'est devenu, à son avis, le programme québécois de procréation assistée. Elle suggère que seuls les couples qui souffrent d'un problème d'infertilité médicalement avéré soient couverts par le régime public d'assurance maladie. Elle exige aussi l'instauration d'un registre central pour documenter les résultats des grossesses, car pour l'instant, le ministère de la Santé ne disposerait d'aucun chiffre exact.

Ces demandes ont été formulées dans un mémoire qui vient d'être déposé dans le cadre d'une commission publique récemment exigée par le ministre de la Santé, Réjean Hébert, afin de réévaluer le programme de procréation assistée. Lancé à l'été 2010, il suscite la critique en raison de son coût élevé. En deux ans, près de 120 millions ont été dépensés pour la réalisation d'environ 15 000 cycles de fécondation in vitro. On ne connaît pas le nombre de naissances qui en a résulté.

«Dès le lancement du programme, on a demandé qu'il y ait un registre central pour le suivi de toutes ces grossesses-là, ce qui n'a jamais été fait. Aujourd'hui, on n'a aucun chiffre sur les techniques utilisées, les taux de grossesse, le taux de grossesses multiples, les naissances prématurées et les taux de mortalité néonatale. Pour nous, c'est très déplorable», a déclaré la Dre Pascale Hamel, présidente de l'Association des pédiatres du Québec, membre de la FMSQ.

Resserrer les règles

Le président des médecins spécialistes, le Dr Gaétan Barrette, considère que les traitements de procréation assistée devraient uniquement être couverts par le gouvernement s'ils servent à corriger des anomalies biologiques, ce qui exclurait du programme les femmes célibataires et les couples homosexuels qui n'ont pas de problème physique.

«Est-ce que le système public doit fournir une fécondation in vitro à un couple nouvellement constitué issu d'une femme ligaturée et d'un homme vasectomisé qui ont tous deux déjà eu un enfant et qui ont connu le plaisir d'être parents? Est-ce que, un cas plus extrême, mais qui existe, le public doit payer pour la maîtresse d'un homme marié?», s'est-il questionné hier en conférence de presse. «Il y a plein, plein, plein de cas plus spectaculaires les uns que les autres. Je ne dis pas que c'est juste ça, mais simplement que lorsqu'on n'a pas de balises, on se retrouve dans une situation où l'on paie pour tout.»

La FMSQ aimerait aussi que le gouvernement mette sur pied un guichet unique pour éviter le «magasinage» d'une clinique à l'autre. On propose aussi que des critères comparables à ceux qui s'appliquent lors de l'adoption soient mis en oeuvre.

Cela servirait à éviter des cas comme celui d'un enfant confié à la Direction de la protection de la jeunesse dès sa naissance, l'an dernier. La mère avait été inséminée par des médecins du CUSM même si elle souffrait de troubles mentaux, était victime de violence conjugale et avait des antécédents judiciaires. Deux cliniques de fertilité l'avaient d'ailleurs déjà refusée.

Un grand succès

La Société québécoise de fertilité et d'andrologie a aussi convoqué la presse hier pour répliquer que le programme est un grand succès. Le Dr François Bissonnette, obstétricien gynécologue au CHUM et directeur médical de la clinique privée OVO, a toutefois précisé, en citant son propre registre, que le taux de grossesses multiples était passé de 29% à moins de 7% avec l'arrivée du programme, qui empêche l'implantation de plusieurs embryons à la fois.

C'est le Commissaire à la santé et au bien-être qui a été mandaté pour mener la consultation publique. La commission souhaite présenter un avis sur la question en janvier 2014.