En découvrant l'existence de 80 000 protéines humaines inconnues, Xavier Roucou a ouvert la porte sur un univers parallèle insoupçonné jusqu'ici. Le chercheur est notre Personnalité de la semaine.

Un accident. C'est Xavier Roucou lui-même qui le dit. C'est en effectuant des recherches sur les maladies neurodégénératives qu'un étudiant a détecté une protéine non répertoriée dans la base de données utilisée par l'ensemble de la communauté scientifique.

Il n'en fallait pas plus pour piquer la curiosité du professeur Roucou, chercheur affilié au Centre de recherche du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CHUS). Les recherches ont rapidement bifurqué vers cette nouvelle protéine, avec les résultats que l'on connaît aujourd'hui.

Selon M. Roucou, jusqu'à 83 000 protéines alternatives seraient présentes dans notre organisme. À ce jour, son équipe en a identifié 1259. «Et nous allons nous arrêter là pour l'instant», s'empresse-t-il d'ajouter.

«Nous préférons concentrer nos recherches sur les fonctions de ces protéines et déterminer leur utilité», précise celui qui enseigne aussi au département de biochimie de la faculté de médecine et des sciences de l'Université de Sherbrooke.

Cette découverte est importante. «Les protéines sont les ouvrières fondamentales de l'organisme. Elles sont à la base de plusieurs processus, comme la digestion, la mémoire, l'odorat et même les contractions musculaires. Leur mauvais fonctionnement est impliqué dans plusieurs types de maladies comme le cancer ou l'alzheimer.»

Onde de choc

Depuis la publication de ces travaux, en août 2013, Xavier Roucou enchaîne les présentations et récolte les honneurs. Le chercheur s'est même rendu à Paris pour partager le fruit de ses recherches avec l'Académie de médecine française, en octobre dernier.

Plus près de nous, les lecteurs du magazine Québec Science ont choisi cette avancée scientifique comme découverte de l'année 2013. Le professeur Roucou a aussi été sacré Chercheur du mois par l'organisme Les Canadiens pour la recherche médicale, en mars dernier.

M. Roucou convient toutefois qu'une bonne partie de la communauté scientifique reste sceptique. «On commence à sentir un peu plus d'ouverture, mais à peine. Certains croient qu'il s'agit plutôt d'erreurs provoquées par la cellule. Je reste encore aujourd'hui persuadé du contraire. Mais au-delà de ça, je pense que ce qui choque, c'est que nos résultats viennent remettre en question tout ce qu'on croyait savoir sur le génome humain. Je peux comprendre les vives réactions que nos travaux suscitent.»

On savait déjà que le génome humain, véritablement «séquencé» au début des années 2000, codait près de 25 000 protéines différentes, selon Xavier Roucou. Avec l'ajout de 83 000 protéines alternatives, le corps produirait donc quatre fois plus de protéines que prévu. Cette découverte inattendue est un jalon important dans l'exploration de la biologie moléculaire et cellulaire.

«Je compare notre découverte à la lumière infrarouge qui nous permet de voir dans l'obscurité. Nos recherches ont dévoilé une facette cachée du protéome humain, et elles ouvrent la porte à une multitude de possibilités.»