Trois demi-journées par semaine, ces deux psychiatres désertent leurs bureaux afin d'aller à la rencontre des sans-abri du centre-ville de Montréal. Les médecins Olivier Farmer et Lison Gagné sont nos Personnalités de la semaine.

Depuis deux mois, le Projet de réaffiliation en itinérance et santé mentale (PRISM) donne des résultats encourageants. Des sans-abri aux prises avec de sévères troubles mentaux acceptent d'être suivis et traités. Des cas lourds qui passaient malheureusement trop souvent à travers toutes les mailles du système de santé.

Grâce au PRISM, certains d'entre eux ont même déjà quitté la rue. «Deux patients habitent maintenant en logement et plusieurs autres sont en attente», souligne Lison Gagné, l'une des deux psychiatres associés au projet.

L'autre, c'est Olivier Farmer, qui travaille d'ailleurs, tout comme sa collègue, au Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM). Les deux médecins, spécialisés en psychiatrie urbaine, délaissent l'hôpital trois demi-journées par semaine pour aller directement vers les sans-abri.

Pour atteindre cette clientèle particulière, nos deux psychiatres ont un allié de choix: la Mission Old Brewery. Installé entre les murs du refuge, le PRISM dispose de bureaux, de salles de consultation et d'un petit dortoir avec 10 lits. Les deux médecins sont épaulés par un travailleur social, une intervenante du refuge et une infirmière. «C'est une collaboration extraordinaire, note Lison Gagné. Sans eux, il n'y aurait pas de PRISM. Il y a énormément d'échanges entre nous. On organise des formations, on partage nos connaissances.»

La psychiatrie dans la rue

Pour les sans-abri, hôpital rime souvent avec souvenirs traumatisants. Ils sont moins méfiants lorsqu'ils sont abordés dans leur environnement. «C'est souvent tout ce qui précède l'hôpital qui les marque à jamais, précise le Dr Farmer. Une crise, l'arrestation, les menottes, une injection... tout ça avant de rencontrer un médecin. Pas étonnant qu'une fois devant nous, ils aient juste envie de partir.»

L'approche au sein du PRISM se fait tout en douceur. Et les sans-abri qui acceptent d'être suivis sont transférés dans le dortoir réservé au projet. Trois repas par jour leur sont aussi servis. Les patients sont généralement suivis pendant quatre semaines. Ils dorment mieux, ils sont médicamentés et finissent par «rassembler leurs pensées».

Le financement de ce projet expérimental est présentement assuré jusqu'au début du mois d'avril. Avec la collaboration du CHUM et de la Mission Old Brewery, une seule subvention a été nécessaire pour payer le salaire du travailleur social. Pour l'instant, six lits sur dix sont occupés. «Avec le temps que les patients demandent et les ressources disponibles, on ne peut pas pour le moment offrir la totalité des lits», avoue Lison Gagné.

Les deux intervenants attendent avec impatience la nouvelle politique nationale sur l'itinérance du gouvernement. «Il faut absolument un plan qui mise sur les soins de proximité et qui inclut des soins de santé. Il faut aussi un meilleur accès au logement et des services de maintien», affirme la Dre Gagné. L'aventure ne s'arrête pas quand les sans-abri sont en logement. Au contraire, ce n'est que le début. PRISM est une porte d'entrée. Il faut maintenant construire une porte de sortie.