Flore nordique du Québec et du Labrador est un ouvrage scientifique majeur. Sous la supervision de Serge Payette, des botanistes ont répertorié plus de 730 espèces différentes. M. Payette est notre Personnalité de la semaine.

«La flore est la base de nos paysages nordiques», affirme d'emblée Serge Payette, le directeur de l'imposant ouvrage sur la végétation du Grand Nord.

La tâche était titanesque. Il s'agissait de répertorier et décrire l'ensemble des végétaux que l'on retrouve dans ce vaste territoire, qui s'étend vers le nord du 54e parallèle jusqu'au détroit d'Hudson et, d'ouest en est, de la baie James et la baie d'Hudson jusqu'à la mer du Labrador. «Près de 92 000 spécimens de plantes ont été analysés, grâce auxquels on a pu répertorier plus de 730 espèces différentes», précise M. Payette.

Le premier volume de Flore nordique du Québec et du Labrador a été lancé en novembre dernier. L'ouvrage de 561 pages comprend des textes sur la géographie de la région, des cartes biogéographiques, des photos et des descriptions complètes des espèces et sous-espèces. Et trois autres volumes verront le jour.

On ne peut s'empêcher de faire un rapprochement avec la célèbre Flore laurentienne du frère Marie-Victorin, parue pour la première fois en 1935. «Cet ouvrage fait maintenant partie de notre patrimoine, affirme-t-il. Et j'espère le même destin pour notre Flore nordique. Et même si tout le mérite va habituellement à Marie-Victorin, il n'était pas seul dans l'aventure, pas plus que moi, d'ailleurs.»

En effet, ce projet est le fruit d'une longue collaboration entre l'Université Laval, le gouvernement du Québec et l'Université de Montréal, qui ont tous «prêté» des botanistes pour cette aventure, lancée au début des années... 80.

«La route fut très longue. Il fallait souvent attendre des subventions pour poursuivre nos recherches. En 1987, nous avions déjà une première esquisse de Flore nordique. Mais le travail a réellement repris au début des années 2000, avec l'aide du gouvernement.»

Vers le nord

En plus de superviser cet ambitieux projet, Serge Payette enseigne au département de biologie de l'Université Laval. Il est aussi titulaire de la chaire de recherche nordique en écologie des perturbations et conservateur de l'Herbier Louis-Marie. Ce doyen en études nordiques connaît ce territoire comme le fond de sa poche, et il éprouve une passion contagieuse pour ces vastes étendues sauvages. Il y retourne d'ailleurs chaque année.

Et dire qu'il doit sa carrière à un concours de circonstances. En 1966, le nouveau Centre d'études nordiques (CEN) était à la recherche d'une personne-ressource dans le domaine des sols. Le jeune étudiant au baccalauréat en géographie était à peu près le seul candidat potentiel disponible. «Tous les professionnels du domaine travaillaient déjà pour le gouvernement. Je n'oublierai jamais ma première arrivée en avion amphibie, sur ce qui est aujourd'hui la rivière Arnaud, suivie d'un été à camper sur cette terre inconnue, au beau milieu de la toundra.»

Avec le réchauffement climatique, Serge Payette trouve que «son Nord» a bien changé. «Certaines forêts sont plus denses, plusieurs espèces poussent plus rapidement. Mais des écosystèmes sont aussi en danger, et des espèces pourraient bien disparaître.»