L'écrivain est le premier Haïtien, Québécois et Canadien à entrer à la prestigieuse Académie française, fondée en 1635 par le cardinal de Richelieu. Dany Laferrière est notre Personnalité de la semaine.

Depuis le 12 décembre, Dany Laferrière est un «immortel». L'auteur a été élu à l'Académie française au premier tour, par 13 voix sur 23. L'homme de 60 ans a écrit du même coup une nouvelle page d'histoire. Comme il le résume si bien, il est le premier Haïtien, le premier Québécois, le premier Noir d'Amérique et le deuxième Noir du monde, après Léopold Senghor, à siéger au sein de la célèbre institution. L'écrivain occupera le siège numéro deux, ce qui en fait le successeur de Montesquieu et d'Alexandre Dumas fils.

Cette nomination est évidemment un grand bonheur, bien que l'auteur québécois d'origine haïtienne se garde de manifester une trop grande émotion. «J'ai connu dans ma vie des périodes heureuses, mais aussi des situations difficiles. J'ai connu le bonheur que peuvent apporter un verre de vin, l'amour, l'amitié ou l'errance dans les rues de Montréal. Mais j'ai aussi connu la dictature, l'exil, huit ans de travail en usine, la douleur, la solitude aussi. Donc, oui, mon entrée à l'Académie est un grand bonheur.»

Même si cette nomination a été saluée, tant au Québec qu'en France et en Haïti, certains ont été surpris de voir l'auteur adhérer à cette organisation parfois qualifiée de rigide ou de poussiéreuse. Le principal intéressé avoue n'avoir rien à faire des préjugés. «Je ne comprends pas pourquoi certains sont si surpris de mon entrée à l'Académie, souligne-t-il. Je suis un écrivain, et cette dernière rassemble des écrivains. Et c'est l'Académie qui a presque 400 ans, pas les gens qui y siègent. Ceux qui sont morts ont été remplacés par des membres plus jeunes. On y trouve maintenant des voix nouvelles.»

Cible mouvante

Né à Port-au-Prince en 1953 et ayant vécu principalement à Montréal depuis 1976, Dany Laferrière ne sait toujours pas s'il déménagera à Paris, afin de siéger au sein de l'organisation. Chose certaine, il ne deviendra pas Parisien, lui qui se définit avant tout comme une cible mouvante. «Je sais l'endroit que j'habite. À 60 ans, quelques petites douleurs viennent me le rappeler, trop souvent, j'habite mon corps.»

Pour ceux que cela inquiéterait, l'homme de lettres se fait rassurant: son entrée à l'Académie ne sonne pas la fin de sa carrière d'écrivain. Au contraire. «Vous savez, ce n'est pas de ma faute si j'écris. Je l'ai toujours dit, j'ai tendance à trop écrire et j'ai souvent affirmé que j'allais tout arrêter. Mais il y a des titres qui me viennent en tête, je les note, je les observe, et je me dis qu'il faudrait bien leur ajouter une histoire. Et mettre le tout entre deux couvertures. Avec ces jolis titres, sur le dessus, qui prennent enfin tout leur sens. Ce n'est vraiment pas de ma faute si j'écris encore. C'est plus fort que moi. Malheureusement.»

Heureusement pour nous.