Sans minimiser l'importance de l'opinion de la Commission des droits de la personne à l'égard de son projet de Charte des valeurs, le ministre Bernard Drainville, maintient le cap. La commission propose un statu quo qui est incompatible avec les droits.

«On a un immense respect pour la commission des droits, son rôle, on va examiner attentivement son avis, mais on ne partage pas la même lecture de la réalité» dira M. Drainville en entrevue à La Presse.

Il souligne surtout que la position de la commission en matière d'accommodements raisonnables va à l'encontre de ce qui est prôné par tous les partis politiques.

Il n'est pas d'accord avec la lecture de la commission qui prévoit que le gouvernement ne pourrait aller de l'avant et interdire le port de signes religieux ostentatoires, sans recourir à la clause dérogatoire, prévue à la Charte. «On propose de modifier la Charte pour y inscrire le principe de neutralité religieuse, la Commission pose son jugement à la lumière de la Charte actuelle sans tenir compte des amendements qu'on va y inscrire» dira le ministre.

Pour le président de la Commission Me Jacques Frémont, le projet de Québec ne traverserait pas davantage le test de la Charte canadienne des droits. «Ce n'est pas un point de vue qui est partagé par des juristes éminents, Claire L'Heureux-Dubé ex-juge de la Cour suprême ou Huguette Saint-Louis ex-Juge en Chef de la Cour du Québec» observe le ministre.

«Il y a différents modèles de laïcité, celui que propose la Commission nous paraît insuffisant». Pour la Commission «l'apparence» n'est pas à tenir compte dans l'évaluation de la neutralité religieuse, Québec ne partage pas cet avis pas plus d'ailleurs que la France, la Suisse et la moitié des landers allemands observe M. Drainville.

Finalement le ministre s'interroge sur le fait que la Commission n'ait pas attendu la publication du projet de loi pour donner son avis, «il aurait été plus sage de la part de la commission de baser son avis sur la base du projet de loi» laisse-t-il tomber.

Dans son avis publié en matinée, jeudi la Commission des droits de la personne, dans un avis public soutenait que le projet de M. Drainville «va à l'encontre de l'esprit et de la lettre de la Charte, qui a pour objet la protection des droits de tous et toutes».

«Le droit de manifester ses croyances religieuses est protégé par la Charte, qui garantit la liberté de religion et la liberté de conscience» affirme l'organisme dans son commentaire.

«La Commission estime notamment que l'interdiction du port de signes religieux «ostentatoires» par les employés de l'État ne passe pas le test de la Charte québécoise et que la proposition de formaliser les accommodements dits «religieux» risque de restreindre la portée des accommodements accordés en vertu des autres motifs de discrimination, entre autres pour les personnes en situation de handicap» affirme l'organisme dans un commentaire sur le projet de Charte des valeurs.

«Les orientations gouvernementales soulèvent de vives inquiétudes. Elles sont en nette rupture avec la Charte, cette loi quasi constitutionnelle adoptée par l'Assemblée nationale en 1975. Il s'agit de la proposition de modification de la Charte la plus radicale depuis son adoption», observe le président de la Commission, Jacques Frémont, l'ancien doyen de la Faculté de droit de l'Université de Montréal.