Pierre Duchesne soupçonne les libéraux du Québec de vouloir provoquer une crise sociale pour torpiller le projet de charte des valeurs.

Le ministre de l'Enseignement supérieur a reproché lundi au chef du Parti libéral (PLQ), Philippe Couillard, d'alimenter la confrontation en opposant la population de Montréal à celle des régions dans le dossier des accommodements religieux.

«Ceux qui sont maîtres dans l'établissement d'une crise ce sont les libéraux, ils l'ont bien démontré en 2012», a dit M. Duchesne en point de presse, faisant allusion à la grogne étudiante de l'an dernier.

«Qui souhaite une crise actuellement? Qui souhaite une crise? Qui souhaitait que le Sommet sur l'enseignement supérieur ne fonctionne pas? Vous les avez vus chaque jour à la période des questions? Ils souhaitaient que ça ne se règle pas», a-t-il ajouté.

M. Duchesne croit que le travail de sape du leader libéral envers le projet péquiste n'est pas étranger aux résultats des plus récents sondages qui tendent à démontrer que la laïcité telle qu'interprétée par le Parti québécois divise la population en deux camps opposés.

Plutôt que de rester caché «derrière des slogans», M. Couillard devrait avoir «le courage» de venir débattre de laïcité à l'Assemblée nationale, a-t-il affirmé.

«Je trouve ça malheureux que M. Couillard parle de division, que M. Couillard dise qu'il y a des gens de Montréal (d'un côté) et qu'il y a des gens des régions (de l'autre). Ce qu'il faut faire en politique, c'est s'engager dans des débats importants et de les mener à terme dans le respect», a déclaré le ministre.

En réplique, le député libéral Pierre Arcand a accusé le gouvernement Marois de «jouer avec le feu» avec son projet de charte «de la chicane», une manoeuvre électoraliste engagée dans un cul-de-sac, selon lui.

«À l'endroit où il y a beaucoup de communautés culturelles, une place comme Montréal, on s'aperçoit que les gens n'en veulent pas, les trois candidats à la mairie n'en veulent pas. (...) Ils (les péquistes) jouent certainement avec le feu, tout le monde reconnaît que c'est une tactique électorale et une tactique qui va se retourner éventuellement contre eux», a-t-il avancé.

Au nom du respect des libertés individuelles, les libéraux s'opposent à l'idée d'interdire le port de signes religieux par les employés de l'État. La Coalition avenir Québec (CAQ) suggère pour sa part de proscrire les signes religieux chez les employés représentant l'autorité de l'État comme les policiers, les juges, les procureurs, en plus des enseignants du primaire et du secondaire. La proposition caquiste est cependant plus «modérée» que celle du gouvernement Marois en ce sens qu'elle n'étend pas l'interdit à l'ensemble des fonctionnaires.

Avec 18 pour cent dans les intentions de vote, la CAQ peine à imposer ses idées dans le débat sur la laïcité. Néanmoins, si le ministre responsable Bernard Drainville veut régler la question en quelques semaines et passer enfin à autre chose, il n'a qu'à se rallier aux orientations de la CAQ, a dit le député de Chauveau, Gérard Deltell.

«J'en appelle à M. Drainville, à son bon sens, à son bon jugement de bon père de famille. Il y a un consensus qui est à l'horizon. Prenez notre position, et on va de l'avant, et on va passer à autre chose», a-t-il soulevé.

Critiques envers le PLQ

Au passage, péquistes et caquistes ont vertement dénoncé les pratiques de sollicitation du PLQ en vue d'obtenir du financement auprès de la communauté juive, avec une lettre signée du député libéral Pierre Marsan à l'appui.

La récente missive adressée à l'Association sépharade de la banlieue ouest de Montréal souligne aux membres de cette communauté combien les libéraux ont été généreux à leur égard pendant qu'ils étaient au pouvoir, leur rappelant même l'octroi d'un permis de garderie.

«Si moi, j'arrivais puis je disais: Hé, écoutez, j'ai donné tant, notre bureau de comté a décidé d'octroyer tant, tel montant pour telle fête, à cette heure il est temps de passer à la caisse dans mon parti. Je peux-tu vous dire (que) je me ferais ramasser. Bien, c'est exactement ce que le Parti libéral fait. Exactement pareil. Puis on croyait qu'ils avaient appris de leurs erreurs, bien non, ça continue», a pesté le député caquiste Gérard Deltell.

Plus tard, en marge d'une réunion du caucus péquiste, plusieurs ministres ont emboîté le pas pour considérer eux aussi que les libéraux de Philippe Couillard avaient recours à des méthodes douteuses de financement de leur parti.

«Je pense que M. Couillard doit des explications aux Québécois sur cette question-là», a dit le ministre Bernard Drainville.

«J'ai présidé pendant deux années la campagne de financement national du Parti québécois et je n'ai jamais vu quelque chose comme ça», a ajouté de son côté le ministre du Tourisme, Pascal Bérubé.

«M. Couillard, qui était membre du gouvernement Charest, de toute évidence, reproduit les mêmes recettes» que celles appliquées par son prédécesseur, a commenté le ministre de l'Enseignement supérieur, Pierre Duchesne, en faisant allusion aux allégations de favoritisme dans l'attribution des places en garderie sous l'ancienne administration libérale.

«Le vieux régime persiste» au PLQ, selon lui.