Alors que Stephen Harper dit vouloir garder le cap sur la croissance de l'économie, le Québec perd son dernier ministre qui détenait un portefeuille strictement économique.

Avec le remaniement ministériel à Ottawa, l'ex-lieutenant du premier ministre pour la province, Christian Paradis, est dépouillé du portefeuille de l'Industrie, héritant plutôt de celui du Développement international.

Ce faisant, le dernier ministère économique qui était aux mains d'un Québécois passe au Britanno-Colombien James Moore.

La situation inquiète notamment le Conseil du patronat du Québec, qui s'est dit préoccupé par «la perte potentielle d'influence stratégique des élus du Québec.»

De façon générale, le Québec ne gagne pas vraiment de terrain à la table des ministres avec ce remaniement.

La plus grosse promotion revient à Steven Blaney, qui quitte le ministère des Anciens combattants pour celui de la Sécurité publique et de la Protection civile.

Quant au nouveau lieutenant québécois, Denis Lebel, il perd le ministère des Transports, un peu plus d'une semaine après le déraillement tragique de Lac-Mégantic, pour être remplacé par l'Ontarienne Lisa Raitt, pourtant très peu habile en français. M. Lebel garde toutefois la direction des Infrastructures et des Collectivités, tout comme celle de l'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec. Il conserve par ailleurs le portefeuille des Affaires intergouvernementales, qui avait abouti sur son bureau après la démission de Peter Penashue.

Alors que les rumeurs couraient à l'effet que Maxime Bernier allait prendre du galon, son rôle demeure modeste. Il conserve son poste de ministre d'État à la Petite entreprise et au Tourisme, auquel s'ajoute celui de ministre d'État à l'Agriculture.

Jacques Gourde, de Lotbinière-Chutes-de-la-Chaudière, est le seul des cinq élus conservateurs québécois, à ne pas faire partie du conseil des ministres.

Nouveau lieutenant

En changeant son homme fort au Québec, M. Harper tente de faire meilleure figure dans la province, où les intentions de vote pour les conservateurs sont sous la barre des 10%. En point de presse, le chef conservateur a toutefois insisté sur le fait que les responsabilités régionales s'harmonisaient davantage avec le rôle de M. Lebel.

«Nous avons une petite équipe au Québec. Nous espérons augmenter cette équipe la prochaine fois, mais pour maintenant, nous avons besoin de tous nos ministres, tous nos députés, en travaillant ensemble, pour (faire) avancer nos aspirations au Québec», a-t-il indiqué.

M. Lebel a quant à lui signalé qu'il allait tenter de gagner le coeur des Québécois en misant sur le bilan économique du gouvernement Harper.

«Je sais que le travail va être énorme, mais il est clair qu'on va faire valoir les points importants qu'on fait (...). L'économie n'est pas plus facile au Québec qu'ailleurs», a-t-il noté.

Le nouveau lieutenant ne s'inquiète pas outre mesure de voir Christian Paradis perdre le ministère de l'Industrie et il assure que lui-même jouera un rôle «passablement» économique.

«On n'a pas privilégié une région du pays par rapport à une autre dans le passé, on va continuer à bien travailler avec toutes les régions du pays, bien sûr, incluant le Québec.»

Mais l'opposition à une vision bien différente du message envoyé par M. Harper avec son remaniement.

«Si j'étais dans l'industrie aérospatiale au Québec ou si j'étais un entrepreneur québécois, je verrais que M. Harper n'est pas beaucoup intéressé aux différences régionales de l'économie canadienne», a soutenu le député libéral Dominic LeBlanc.

Il s'étonne du fait que les deux ministres qu'il considérait parmi les plus ouverts aux propositions de l'opposition - M. Paradis et Lebel - aient en quelque sorte subi une rétrogradation.

«Peut-être que M. Harper ne veut pas du tout valoriser ce genre d'ouverture-là ou ce genre de collégialité-là», a-t-il supposé.

Au Nouveau Parti démocratique (NPD), on se désole aussi que le Québec voit le ministère de l'Industrie lui échapper.

«Christian Paradis a une conception de l'éthique très élastique. Pas étonnant qu'il perde l'Industrie, et aussi son titre de ministre responsable du Québec. Il aurait cependant été juste que ce portefeuille important revienne à un Québécois», a signalé la députée néo-démocrate Rosane Doré Lefebvre.

Le chef du Bloc québécois, Daniel Paillé, croit de son côté que les changements apportés lundi se traduiront par une perte de pouvoir des Québécois au cabinet.

«Les Québécois qui sont renommés à différentes tâches au sein du conseil des ministres reculent (...). Donc leur influence au sein du Canada sera moindre», a-t-il insisté.