Le gouvernement du Québec rejette la formule de péage privilégiée par Ottawa pour financer la construction du nouveau lien prévu d'ici 2021, entre Montréal et la Rive-Sud, en remplacement du pont Champlain actuel, dont la fin de vie utile approche.

Dans une lettre adressée hier à son homologue fédéral Denis Lebel, que La Presse a obtenue, le ministre des Transports du Québec, Sylvain Gaudreault, affirme que «le péage que le gouvernement fédéral souhaite implanter suscite d'importantes inquiétudes quant à l'équité de ce mode de financement et à ses impacts sur la mobilité et sur les autres liens entre Montréal et la Rive-Sud».

«C'est pourquoi, poursuit le ministre, nous demandons que le pont soit entièrement financé à partir des fonds fédéraux, ce qui servirait mieux les citoyens et correspondrait aux responsabilités du gouvernement fédéral en la matière.»

En entrevue à La Presse, M. Gaudreault a ajouté hier que «la question du péage ne peut pas être traitée en vase clos» et que son instauration devra être discutée en collaboration avec le gouvernement du Québec et les municipalités de la région métropolitaine.

5 à 7$ par passage

Selon lui, «si on prend à la lettre ce que M. Lebel a annoncé, on financera le nouveau pont seulement par le péage. Étant donné la circulation journalière actuelle, pour payer un pont qui coûterait entre 4 et 5 milliards, on arriverait à un péage de 5 à 7$ par passage. Ça n'a pas de sens», a affirmé M. Gaudreault.

La position du gouvernement du Québec sur la question du péage risque d'alimenter les tensions déjà vives entre les deux paliers de gouvernement, qui ne s'entendent pas non plus sur le financement du mode de transport collectif qui sera implanté sur ce nouveau pont.

En annonçant le remplacement du pont Champlain, en 2011, le ministre Lebel avait très clairement déclaré qu'Ottawa privilégiait sa réalisation selon un mode de partenariat public-privé (PPP) et qu'une telle formule entraînait nécessairement l'imposition d'un péage.

«Pas de péage, pas de pont», avait alors affirmé le ministre, en réponse à des objections soulevées par certains élus de la Rive-Sud de Montréal.

À Ottawa, hier, l'attachée de presse du ministre fédéral des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités, Marie-Josée Paquette, a confirmé que le cabinet du ministre Lebel avait bien reçu la lettre du gouvernement du Québec.

«Nous allons prendre le temps d'en prendre connaissance et une réponse sera acheminée en temps et lieu au ministre Gaudreault», a déclaré hier Mme Paquette.

Un pont «distinctif»

Les revendications de Québec ne s'arrêtent pas là. Dans sa lettre d'hier, le ministre Gaudreault confirme que le gouvernement souhaite implanter un train léger de type SLR comme mode de transport collectif sur ce nouveau pont. Il souhaite de plus la participation du gouvernement fédéral au financement de ce projet, dont le coût est présentement estimé entre 1,4 et 2 milliards.

De plus, précise la lettre du ministre Gaudreault, «compte tenu du rôle névralgique de l'axe du pont Champlain, pour la circulation des personnes et des marchandises, et de son emplacement stratégique au coeur de la région métropolitaine de Montréal», Québec demande que l'infrastructure projetée «soit un ouvrage d'art distinctif».

«C'est pourquoi, demande Québec, nous préconisons qu'il soit réalisé à la suite d'un concours international d'architecture». Cette dernière demande s'inscrit en droite ligne avec les revendications déjà formulées par la Ville de Montréal.

Il y a un mois, lors d'une rencontre de presse, le ministre Lebel a refusé de s'engager à tenir un tel concours, en invoquant des budgets et échéanciers très serrés pour la construction du nouveau pont, qui deviendra une des plus importantes portes d'entrée du commerce international entre le Québec et les États-Unis.

On estime à environ 20 milliards la valeur totale des marchandises qui transitent chaque année par le corridor du pont Champlain actuel.