En abrogeant la loi 78, le gouvernement péquiste aurait «abdiqué ses responsabilités» et créé un «vide juridique» qui doit maintenant être comblé, dénoncent les libéraux Robert Poeti et Gilles Ouimet. Mais même s'ils regrettent la mort de la loi 78, ils n'osent pas dire que le Québec irait mieux si cette loi était encore en place.

«On aurait un règlement», a simplement répondu M. Poeti.

Le Québec se serait donc mieux porté? «Ne me mettez pas des mots dans la bouche», a-t-il lancé. Il explique qu'on ne peut comparer le contexte actuel à celui du printemps dernier, «où on avait des étudiants qui étaient interdits d'entrer en classe».

M. Ouimet, ancien bâtonnier de Montréal et du Québec, pratiquait le droit l'année dernière avant de se lancer en politique. Il ne veut pas dire s'il se rangeait en mai dernier derrière le gouvernement libéral, ou s'il partageait les critiques virulentes du Barreau.

À Montréal, les élus municipaux décideront ce soir du sort du règlement municipal P-6. Ce règlement interdit les masques et exige que les manifestent donnent leur itinéraire aux policiers à l'avance. Il prévoit des amendes d'un minimum de 500 dollars.

Même si Montréal maintient le règlement, il sera contesté bientôt en Cour supérieure. S'il tombe, cela fera en sorte qu'on laissera «n'importe quel groupe, n'importe quand, circuler n'importe comment dans les rues, à n'importe quelle heure, et bloquer ce qu'ils veulent», s'inquiète M. Poeti.

Québec doit donc adopter une loi ou trouver un autremoyen d'encadrer les manifestations, soutient l'ancien policier de la Sûreté du Québec. Il voudrait qu'on y réclame l'itinérance à l'avance et interdise le port du masque. En commission parlementaire, les juristes et autres intervenants pourraient s'assurer que les articles de loi équilibrent le droit de manifester et le droit à la sécurité, ajoute M. Ouimet.

Le ministre de la Sécurité publique, Stéphane Bergeron, croit que chaque municipalité doit prendre cette décision elle-même.

La première ministre Pauline Marois et certains de ses ministres ont déjà demandé aux manifestants à Montréal de remettre leur trajet aux policiers. Leur collègue, le ministre de la Justice Bertrand St-Arnaud, invite ses collègues à la prudence, car la cause est encore devant les tribunaux.

Le service d'aide juridique Juripop, la Ligue des droits et libertés et Québec solidaire réclament la fin de P-6 et une enquête sur les interventions policières le printemps dernier. Si on donne de nouveaux pouvoirs aux policiers avec une loi, faudrait-il consentir à une telle enquête pour rassurer les manifestants? Les recours actuels sont suffisants, répond M. Poeti. «Si les gens ne sont pas satisfaits, ils ont des droits. Ils ont des droits légitimes de porter plainte à la discipline du corps de police, de porter plainte en déontologie, de porter plainte au civil, d'avoir des poursuites criminelles.»

M. Poeti craint des perturbations futures, sans être en mesure de dire que la perturbation sociale de l'année dernière risque de se répéter. «Mais les gens qui ne se souviennent pas du passé sont condamnés à la revivre», dit-il.