Si les patrons ne changent pas leur fusil d'épaule, les négociations pour établir la convention collection qui unira les 77 000 travailleurs du secteur institutionnel, commercial et industriel, qui étaient en grève depuis deux semaines, mèneront à une nouvelle impasse, prévient le porte-parole de l'Alliance syndicale, Yves Ouellet.

Une nouvelle grève pourrait donc être déclenchée à pareille date l'an prochain, lorsque les dispositions de la loi spéciale adoptée lundi par l'Assemblée nationale prendront fin, a-t-il affirmé.

«Les patrons n'étaient pas intéressés à négocier. Ce qu'ils voulaient, c'était une loi spéciale, qui enlève notre droit fondamental d'être en grève», a réagi M. Ouellet au cours d'un point de presse, hier, entouré d'une centaine de travailleurs de la construction.

Questionné à savoir si les syndiqués respecteront la loi, le porte-parole a promis que oui. Le sourire ne sera toutefois pas sur toutes les lèvres, a-t-il indiqué.

«Quand on te rentre au travail de force, on te rentre de reculons. J'espère que les patrons ne s'attendent pas à un retour avec le sourire au visage, alors que leurs associations ont essayé de nous saigner au passage», a dit M. Ouellet.

Marathon législatif

Après plus de 14 heures de débats, les députés de l'Assemblée nationale ont adopté, dans la nuit de dimanche à hier, un projet de loi spéciale forçant le retour au travail des 77 000 travailleurs toujours en grève ce matin, dès 6h30.

La loi reconduit les conventions collectives pour un an, et augmente les salaires de 2% cette année. Le gouvernement voulait fixer les hausses salariales à 8,65% sur quatre ans et prolonger toutes les autres dispositions des conventions collectives jusqu'au 30 avril 2017.

Le Parti libéral et la Coalition avenir Québec ont finalement réussi à faire plier le gouvernement, minoritaire en chambre, qui n'a eu d'autre choix que de modifier le projet de loi initial.

«Nous avons été contraints d'accepter une solution temporaire. L'opposition nous a privés de préserver la paix et la stabilité sur les chantiers pour les quatre prochaines années. Mais notre principal objectif est atteint: le retour au travail se fera dès mardi [aujourd'hui]», a affirmé la première ministre du Québec, Pauline Marois.

Selon elle, la province risque d'être «replongée dans un conflit et de revenir à la case départ» dans un an «à cause des choix de l'opposition» qui «n'ont rien à voir avec l'intérêt du Québec».

Ce sentiment était partagé par plusieurs travailleurs rassemblés avec leurs leaders syndicaux hier, au cours du point de presse de l'Alliance syndicale, à Montréal.

Pour Vincent Desmarais, un travailleur de la construction, les partis de l'opposition seront les premiers à blâmer si une nouvelle grève est déclenchée d'ici un an.

«Du côté du Parti québécois, on avait une meilleure réception. Chez les partis de l'opposition, c'était une douche froide. Ils ont clairement pris parti pour les patrons», a dit d'emblée le jeune homme à La Presse.

«Avec le premier projet de loi, on avait une belle entente pour quatre ans. Maintenant, tout sera à recommencer si les patrons ne changent pas leur discours dans un an. Le même pattern va s'installer de nouveau», dit-il.

L'opposition se défend

Pour le chef du Parti libéral, Philippe Couillard, fixer les salaires et prolonger les conventions pour quatre ans n'était «pas un incitatif à la poursuite des négociations». Avec un échéancier d'un an, les parties ont intérêt à conclure une entente pour renouveler les conventions collectives, a-t-il fait valoir.

De son côté, le chef caquiste François Legault a accusé le gouvernement de vouloir favoriser les syndicats. «On ne peut pas, comme le Parti québécois le fait, accepter les demandes syndicales et ne pas tenir compte des demandes du côté du patronat», a-t-il lancé.

Québec solidaire a pour sa part condamné le recours à une loi spéciale. «Ça entache profondément le droit de grève», a déploré le député Amir Khadir.