S'il faut en croire les quatre principaux candidats à la mairie, la charte des valeurs ne sera jamais appliquée à Montréal. Tous l'ont en effet rejetée sans équivoque.

Denis Coderre est celui qui est allé le plus loin en promettant de demander un «statut particulier» sur tout le territoire de la ville, qui toucherait autant l'administration municipale que les hôpitaux et les institutions d'enseignement. Dans un salon de thé du Petit Maghreb, rue Jean-Talon, il a qualifié la proposition du gouvernement Marois de «totalement inacceptable».

«Mon vieux pif politique me dit que ça sent la diversion et la division, peut-être pour d'autres fins politiques, a-t-il déclaré. Il y a là un gouvernement minoritaire qui s'en va en élections. C'est «divisif», ce n'est pas cohérent, ça n'a pas de bon sens. On institutionnalise la discrimination.»

Un des premiers débats

Il a rappelé qu'il appuyait une laïcité «ouverte et inclusive», comme le prônait la motion adoptée à l'unanimité par les élus montréalais fin août. «Aujourd'hui, je me sens mal. Comme Québécois, je me sens mal. Intégration ne veut pas dire uniformité. La complémentarité des genres provoque une richesse supplémentaire. Nous sommes une métropole cosmopolite.»

Le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, s'est engagé quant à lui à faire voter la clause de retrait par le conseil municipal. «L'un des premiers débats sera sur ce sujet-là. Je recommande que la Ville s'en prévale.»

Il estime que l'interdiction du port de signes religieux dans la fonction publique est «une mauvaise nouvelle pour les Montréalais». «Ça ne m'apparaît pas respectueux. Le travail est le meilleur moyen d'intégration. J'estime malheureux que l'accès à l'emploi soit désormais limité. On vise directement un groupe de femmes, et c'est fort malheureux.»

«Un faux problème»

Conscient que ce projet vise avant tout Montréal, il dénonce ce qu'il qualifie «d'utilisation de la situation montréalaise à des fins politiques» «On n'avait pas besoin de ça, on n'a rien demandé.»

Plus tôt dans la journée, Marcel Côté avait lancé le bal et descendu en flammes la proposition de politique déposée par le ministre responsable des Institutions démocratiques, Bernard Drainville.

«C'est un faux problème (...), un problème inexistant, a-t-il déclaré en entrevue téléphonique. 40% de la population de Montréal est soit immigrante, soit issue des minorités visibles. Un grand nombre d'entre eux portent des signes qui vont être qualifiés d'ostentatoires. Ils vont être considérés comme des citoyens de seconde classe.»

Il a pris bonne note de la possibilité d'utiliser la clause de retrait pendant cinq ans. Il souhaite que ce recours soit le plus généralisé possible, surtout dans les institutions d'enseignement et dans les municipalités de la grande région montréalaise. Il s'inquiète en outre du tort causé à l'image du Québec sur le plan international.

«On envoie un message qu'au Québec, et à Montréal en particulier que nous ne sommes pas tolérants, que nous avons des fixations qui n'ont plus leur place dans la société d'aujourd'hui.»

Mélanie Joly a également promis qu'un de ses premiers gestes, si elle est élue, sera de soustraire Montréal à la charte. «On est contre. Pour nous, c'est simple, il y a plus d'harmonie que de division à Montréal. Montréal doit se faire respecter en tant qu'exemple d'interculturalisme par le reste du Québec.» Elle se dit par ailleurs fière de présenter «une équipe très diversifiée, y compris au niveau religieux», comprenant des candidats de confessions juive et musulmane.