Placé sur la liste noire de Montréal malgré sa dénonciation de la collusion devant la commission Charbonneau, l'entrepreneur Pierre Allard pourrait facilement retrouver le droit d'obtenir des contrats, croit le maire par intérim de la métropole. Laurent Blanchard l'invite à présenter une demande à l'Autorité des marchés financiers (AMF) pour éviter d'être sanctionné inutilement.

La Presse a révélé samedi que Pierre Allard, invité à la Commission pour témoigner de son refus à prendre part à la collusion, avait tout de même été placé sur la liste noire de Montréal. Pour illustrer l'ampleur des problèmes de corruption vécus à Laval, l'entrepreneur avait relaté une demande de pot-de-vin formulée par deux cols bleus qui menaçaient de nuire à l'un de ses chantiers. La Ville de Montréal, qui lui reproche d'avoir ainsi accepté de verser 60$, l'a placé sur la liste noire d'attribution des contrats.

«En lisant ça, je trouve que la Ville a l'air "nounoune". Mais quand on regarde l'aspect légal, on a dit qu'on ne donnerait pas de contrat à des entreprises qui ont admis avoir fait de la corruption. C'est peut-être un montant ridicule, mais c'est une admission qui le disqualifie, a indiqué Laurent Blanchard. Notre politique ne discrimine pas. On n'est pas pour mettre un barème et dire que [les pots-de-vin], c'est correct en bas de 100$.»

Demande d'autorisation

Le maire par intérim de Montréal souligne toutefois que l'entrepreneur pourrait rapidement retrouver le droit de décrocher des contrats en présentant une demande d'autorisation à l'AMF.

Le 18 juin, Montréal a modifié ses règles d'attribution de contrats pour permettre aux entreprises obtenant une telle certification de retrouver le droit de participer aux appels d'offres de la métropole. «S'il a refusé de faire partie de ceux qu'on pourrait appeler les méchants de Laval, il peut être intéressé à obtenir des contrats publics. Qu'il se fasse autoriser par l'AMF, ça va nous faire plaisir de lui accorder un contrat, et ça ne lui coûtera pas 60$ de col bleu.»

Laurent Blanchard signale que l'entreprise de Pierre Allard n'est pas une habituée des appels d'offres de Montréal. Au cours des dernières années, Excavation S. Allard a décroché un seul contrat dans la métropole, d'une valeur d'à peine 688$. L'entreprise s'est toutefois inscrite au registre des fournisseurs de la Ville le 19 avril 2013 afin de participer aux appels d'offres.

La confiance des Montréalais ayant été fortement ébranlée depuis un an, Laurent Blanchard estime que la Ville doit resserrer les règles d'attribution des contrats. «Même si Pierre Allard est un faux coupable, avec l'ensemble des entreprises qui ont participé au système de collusion, les Montréalais nous sont reconnaissants de ne pas accorder des contrats à des entreprises qui sont soupçonnées.»

Retour du balancier

Le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, estime que l'inscription de cet "incorruptible" sur la liste noire de Montréal est une "injustice" qui s'explique par les années de laxisme de l'administration de Gérald Tremblay. «Au premier coup d'oeil, c'est injuste, mais il y a eu tellement de laxisme, on a laissé tellement longtemps la voie libre à la corruption, qu'il faut comprendre qu'il y a un retour de balancier et on est présentement à l'autre extrémité", a indiqué l'aspirant maire.

Interrogé en marge d'un point de presse, hier, un autre candidat à la mairie, Denis Coderre, a pour sa part appuyé la ligne dure de la Ville de Montréal. «Un pot-de-vin, c'est un pot-de-vin. Je sais qu'il a dit avoir dénoncé la situation, mais il a donné l'argent.»

Questionné sur le cas de Pierre Allard, le candidat Marcel Côté a indiqué, dans une réponse par courriel, que «la Coalition aura une tolérance zéro pour toutes les malversations, peu importe le montant d'argent impliqué. Cependant, il faudra développer des mécanismes, quitte à amender certaines politiques présentement en vigueur à la Ville de Montréal, afin d'également prendre en considération d'autres facteurs avant de décider de la sanction qui sera imposée. Un de ces facteurs devrait être la dénonciation rapide des actes répréhensibles.»