La coalition annoncée par Louise Harel entre des candidats de l'Ouest et de l'Est montréalais laisse surtout présager une lutte Nord-Sud avec Équipe Coderre, observe une spécialiste des affaires municipales, la professeure Danielle Pilette. Et au centre, Projet Montréal risque de se retrouver isolé, dans une campagne qui se jouera beaucoup dans les arrondissements.

La chef de Vision Montréal a confirmé mardi matin qu'elle renonce à briguer la mairie de la métropole. Consciente que ses appuis se limitent à l'est de l'île, elle dit maintenant miser sur une coalition pour diriger la prochaine administration municipale. «C'est un secret de polichinelle que j'avais des difficultés à percer dans l'ouest de la ville», a-t-elle reconnu hier matin. Les résultats des élections de 2009 parlent d'eux-mêmes: 54% des francophones ont voté pour elle, contre seulement 4% des anglophones.

À la conquête de l'Ouest

Louise Harel a donc annoncé mardi qu'elle se rallie à Marcel Côté, qui doit confirmer sa candidature comme maire aujourd'hui, afin de réussir la conquête de l'Ouest si nécessaire pour prendre l'hôtel de ville en novembre.

«Je ne pense pas que d'autres candidats aient eu le même souci, la même attention pour Montréal. Pour certains, c'est plus récent», a lancé Louise Harel - une pointe à peine voilée contre Denis Coderre.

«Oui, la ligne du boulevard Saint-Laurent s'applique, mais je vois surtout une division du Sud contre le Nord, avec l'axe du boulevard Métropolitain. Pour moi, la coalition a principalement pour objet de contrer Denis Coderre, qui est plus au nord», observe d'ailleurs Danielle Pilette, de l'Université du Québec à Montréal (UQAM).

Depuis l'effondrement d'Union Montréal, cette spécialiste des affaires municipales observe un éclatement de la «géopolitique montréalaise», suivant les frontières des anciennes villes. Plusieurs équipes d'indépendants se forment d'ailleurs dans les arrondissements autour d'anciens membres de ce parti, selon nos sources. Dans Saint-Laurent, Alan DeSousa serait en train de courtiser ses collègues pour former une alliance électorale, tandis que Claude Dauphin ferait de même dans Lachine.

Deux autres anciens du parti de Gérald Tremblay ont amorcé des démarches pour faire enregistrer des partis. Luis Miranda a mis sur pied Équipe Anjou, tandis que Manon Barbe a réservé un nom de formation à résonance toute locale: Pro action LaSalle.

Danielle Pilette voit dans ce fractionnement des prochaines élections un signe du mécontentement par rapport à la structure politique de Montréal.

«Dans le fond, les fusions n'ont jamais été acceptées. Mais le défi n'est plus tellement de les faire accepter que de faire évoluer la réalité territoriale.» La professeure de l'UQAM s'attend donc à voir la prochaine administration réclamer d'importants changements à la carte montréalaise.

Projet Montréal isolé?

Mme Pilette estime que Projet Montréal se retrouve grandement isolé dans la dynamique électorale qui semble s'installer pour novembre. Au mieux, dit-elle, le parti de RichardBergeron pourrait décrocher la balance du pouvoir si le résultat entre la coalition Côté-Harel et Équipe Coderre devait être serré.

«Projet Montréal, c'est limité au territoire de Québec solidaire. En pourcentage de votes, ce n'est pas grand-chose», dit DaniellePilette.

Voyant dans la coalition annoncée une simple alliance électorale, RichardBergeron ne croit pas que sa formation se retrouvera isolée durant la campagne. Au contraire, il estime en ressortir comme le seul parti en mesure de présenter 103 candidats unis.

«Projet Montréal a d'excellents candidats à l'ouest et à l'est de la montagne, au sud et au nord de l'île», a-t-il ironisé hier.

Campagne sur la coalition

Vision Montréal dit vouloir miser sur la popularité de l'administration arc-en-ciel mise en place au lendemain de la démission de GéraldTremblay, qui réunit tous les partis et indépendants à l'hôtel de ville. «L'élection va se jouer entre ceux qui croient à la coalition et ceux qui n'y croient pas. Notre défi dans les prochains jours, c'est de convaincre une majorité que l'avenir de Montréal passe par une coalition», a indiqué RéalMénard, maire de Mercier -Hochelaga-Maisonneuve, proche de Louise Harel.

Et pour eux, Marcel Côté est le candidat tout indiqué pour réussir à maintenir une coalition en place. «Il peut faire un lien plus facilement entre l'Est et l'Ouest, et il croit en la coalition, dit RéalMénard. C'est une façon de gouverner très prometteuse, parce que ça met fin à toute la réalité géolinguistique. Ce n'est pas normal qu'on évalue ce que des candidats ont à offrir en fonction du clivage linguistique. Ça, on met ça derrière nous.»