Malgré les appels de l'opposition et d'observateurs de la scène municipale, le maire de Montréal, Michael Applebaum, persiste et signe: les entreprises qui ont avoué avoir trempé dans la collusion seront bannies pour cinq ans.

«Il n'y a pas de question, je ne recule pas, a-t-il déclaré en point de presse cet après-midi. Je vais aller encore plus loin.»

Vendredi en fin d'après-midi, il a convoqué les médias pour annoncer que la politique de gestion des contrats, modifiée en décembre dernier, serait rigoureusement appliquée. La firme Dessau, dont l'ex-vice-président Rosaire Sauriol a reconnu avoir pris part au stratagème de partage, en a été la première victime. C'est en fait la première entreprise gagnante d'un appel d'offres tenu en vertu de la nouvelle politique.

La chef de l'opposition, Louise Harel, a réitéré depuis sa demande d'assouplir cette politique, en attendant que l'Autorité des marchés financiers se prononce sur la conformité de ces entreprises.

De sources sûres, La Presse a appris que la décision du maire Applebaum avait suscité «de l'irritation», voire de «la consternation» au sein de la commission Charbonneau.

Redonner l'argent volé

Ce matin, en marge d'un point de presse, Mme Harel n'a pas exclu de déposer une motion en bonne et due forme le 28 mai prochain, à la réunion du conseil municipal, pour obliger le maire Applebaum à faire marche arrière.

«Je suis clair, je suis ferme, je ne vais pas changer d'idée, a répondu le maire quelques heures plus tard. Mon client, ce sont les citoyens de Montréal, ce sont eux que je veux servir. Je ne veux pas faire affaire avec des personnes qui nous ont volé de l'argent.»

Ces changements au mode d'attribution des contrats ont été approuvés par une large majorité d'élus en décembre dernier, a-t-il rappelé.«Les fonctionnaires sont obligés de l'appliquer, c'est clair.»

Le maire Applebaum a tout au plus ouvert une porte aux entreprises qui ont participé à la collusion : qu'elles commencent par rembourser ce qu'elles ont volé aux contribuables. «Je les invite à s'asseoir avec nous, à proposer des paiements, à redonner l'argent volé pour que je puisse baisser les taxes des contribuables. Ils ont volé de l'argent, qu'ils remboursent. Après, on parlera de la suite de ça.»

Le mieux et le bien

Pour Louise Harel, cette application rigide des règles d'attribution des contrats est «une interférence évidente dans le travail de la commission Charbonneau.» À l'instar de plusieurs chroniqueurs des quotidiens montréalais, elle estime qu'il s'agit d'un encouragement à tout nier en bloc devant la Commission. «Pourquoi les entreprises admettraient-elles quoi que ce soit puisqu'elles vont être exclues des contrats de la Ville de Montréal? Parfois, le mieux est l'ennemi du bien, et l'adage s'applique parfaitement en ce moment.»

Elle appuie l'idée de demander aux entreprises coupables un dédommagement qui serait versé dans un fonds particulier. «On sent une certaine contrition actuellement chez ces entreprises. Est-ce que ces remboursements permettraient un congé de taxes? Les Montréalais le méritent.»

Le parti de Mme Harel, Vision Montréal, a techniquement jusqu'au 10 mai prochain pour déposer une motion forçant la main du maire. «On verra ce qu'il fera d'ici là», dit la chef de l'opposition.

Le président du comité exécutif, Laurent Blanchard, assure d'entrée de jeu qu'il appuie la position du maire Applebaum. Il y apporte cependant une précision : «La prochaine réunion du conseil municipal est le 28 mai. Qu'est-ce qui va se passer d'ici là? Est-ce que les compagnies ne vont pas demander une injonction, ne vont-elles pas s'engager dans un combat juridique? Il peut se passer bien des choses...»



Le chef de Projet Montréal, Richard Montréal, a également descendu en flammes la sortie du maire Appelbaum, qu'il considère comme «très malavisée». «On ne peut se permettre de bouder l'ensemble de l'industrie du génie-conseil québécoise. Nous croyons que la Ville devrait plutôt se tourner vers la négociation en offrant l'amnistie en retour d'une compensation aux firmes de génie.»