L'avocate de Jian Ghomeshi accuse l'actrice Lucy DeCoutere d'avoir caché jusqu'à cette semaine qu'elle avait gardé un bon contact avec cet homme qui l'aurait pourtant agressée.

Au cours d'un autre contre-interrogatoire serré, vendredi, Marie Henein a souligné certains détails sur ces liens, datant de plus d'une décennie, que Mme DeCoutere n'aurait révélés qu'au cours des derniers jours, après le début du procès. Ces interactions ont eu lieu après que M. Ghomeshi eut apparemment étranglé et frappé Mme DeCoutere alors qu'ils s'embrassaient, chez lui, dans la chambre à coucher, à l'été 2003.

L'avocate de la défense a accusé Mme DeCoutere d'avoir omis certaines informations dans sa plainte à la police, alors qu'elle s'est souvenue de plusieurs petits détails lorsque la Couronne l'a interrogée au procès. Lucy DeCoutere a répondu qu'elle avait révélé de nouvelles informations lorsque l'occasion s'était présentée, et que certains de ces détails n'avaient pas eu beaucoup d'impact sur elle, contrairement à la présumée agression.

Me Henein a laissé entendre que Mme DeCoutere avait décidé soudainement de parler de ces liens lorsqu'elle s'est aperçue que la première plaignante, au début du procès, avait été interrogée sur des courriels inédits jusqu'ici.

L'avocate a rappelé que Mme DeCoutere avait pourtant répété au procès et à la police que M. Ghomeshi ne l'intéressait pas. « Est-il possible, Mme DeCoutere, que vous ayiez tendance à oublier seulement ce qui pourrait prouver que vous avez menti? », a lancé Me Henein.

« Oh, non, je ne mens pas, a répondu Mme DeCoutere. Je me souviens davantage de ce qui a eu un impact sur moi, comme être étranglée. »

Le témoin a plaidé que ces courriels suggestifs ne veulent pas dire que l'agression, elle, n'a pas eu lieu.

« Ça n'a pas eu lieu! », a lancé Me Henein.

« Oh oui, ça a eu lieu », a rétorqué Mme DeCoutere.

La défense a notamment déposé en preuve, vendredi, un courriel envoyé à M. Ghomeshi quelques heures après l'agression présumée et dans lequel Mme DeCoutere décrit en termes crus son désir sexuel ardent. La plaignante a dit au tribunal qu'elle ne se souvenait pas de ce courriel.

« Une femme peut être agressée et avoir ensuite des sentiments positifs pour son agresseur - c'est pour cela que se perpétuent des relations amoureuses toxiques », a expliqué le témoin.

L'avocate de la défense a aussi présenté une lettre écrite par Mme DeCoutere à M. Ghomeshi quelques jours après l'agression présumée. Elle y exprime sa gratitude pour avoir rencontré une vedette de la CBC, son regret de ne pas avoir passé la nuit chez lui, et son désir de passer plus de temps avec lui. La lettre se termine par ces phrases, que Me Henein lui a fait lire à voix haute: « J'adore tes mains. »

Mme DeCoutere semblait parfois embarrassée en lisant au procès certains courriels, notamment celui où elle écrivait à M. Ghomeshi qu'elle « lui casserait la gueule » s'il n'acceptait pas de la revoir. Elle a admis que ces courriels laissent croire qu'elle lui faisait la cour, alors que ce n'était pas le cas, selon elle. Me Henein a aussi déposé une photo envoyée à l'accusé où l'on voit Mme DeCoutere mimer une fellation sur une bouteille de bière.

L'actrice, qui a renoncé à son droit à l'anonymat, est la deuxième femme à témoigner au procès de Jian Ghomeshi. L'ex-animateur vedette de la radio de la CBC est accusé, par trois femmes, de quatre chefs d'agression sexuelle et un chef d'avoir tenté d'étouffer, de suffoquer ou d'étrangler une personne dans le but de vaincre sa résistance. Il a plaidé non coupable.

Comme lors du contre-interrogatoire du témoin précédent, Me Henein n'a pas nié les allégations de Mme DeCoutere voulant que Jian Ghomeshi l'ait frappée. Elle s'est plutôt concentrée sur d'autres détails survenus lors des moments qu'ils ont passés ensemble.