Les 13 personnes qu'on soupçonne d'être membres d'un club social de pédophiles arrêtées la semaine dernière ont été piégées par une taupe de la police qui a littéralement joué un personnage de déviant sexuel durant près d'un an pour gagner leur confiance, a appris La Presse. Normalement, les policiers qui enquêtent sur ce type de réseau se contentent d'échanger sur l'internet avec les suspects, en se faisant passer pour des pédophiles. Mais dans ce cas-ci, l'agent double est allé jusqu'à rencontrer physiquement des accusés à plusieurs reprises et à converser avec eux, ce qui serait une première au Québec.

Selon nos informations, le fil conducteur entre certains des suspects serait André Faivre, 67 ans, résidant de l'est de Montréal qui aurait déjà été impliqué dans le mouvement scout. La police aurait d'abord appris que M. Faivre aurait lancé un forum de discussion secret sur l'internet, dans lequel d'autres des individus arrêtés auraient échangé, en se racontant leurs expériences sexuelles avec des enfants et en se conseillant sur les tactiques à employer et sur les lieux à fréquenter pour abuser de mineurs.

Les personnes qu'on soupçonne d'être membres de ce club social étant très méfiantes, l'agent double, pour mettre le couteau dans l'huître, aurait d'abord envoyé des courriels à M. Faivre, en se faisant passer pour un pédophile qui en est à ses premières armes, à la recherche de conseils. Il aurait ensuite gagné peu à peu la confiance du sexagénaire, qui aurait accepté de le rencontrer. Les deux hommes se seraient vus à quelques reprises, et M. Faivre aurait ensuite mis en contact l'agent double avec certains des autres suspects, que le policier aurait également rencontrés par la suite. Les rencontres, au cours desquelles des propos explicites auraient été tenus, auraient eu lieu dans des endroits publics, dont des parcs. On ignore si l'agent double avait sur lui un système d'enregistrement portatif lors de ces rencontres, mais on peut présumer que oui.

André Faivre est l'un des 13 accusés faisant face au plus grand nombre de chefs, dont ceux d'avoir conseillé à autrui d'accéder à de la pornographie juvénile et d'avoir conseillé à autrui de commettre des contacts sexuels sur des mineurs.

Des victimes potentielles

Parmi les autres accusés, on trouve notamment deux individus impliqués chez les scouts, dont un enseignant du primaire et un professeur à HEC Montréal. Ils ont en général peu ou pas de dossier criminel, mais l'un d'entre eux a des antécédents de pédophilie qui datent d'une dizaine d'années. Les actes reprochés auraient été commis, pour tous les suspects confondus, entre 2003 et 2016. En gros, ils sont surtout accusés de possession, de distribution et d'avoir accédé à de la pornographie juvénile. Certains ont un chef de production de pornographie juvénile. Aucun d'entre eux n'est accusé d'avoir agressé un enfant, mais selon nos sources, quelques victimes potentielles se seraient manifestées depuis la publication des photos des suspects à la fin de la semaine dernière.

Les suspects, âgés de 27 à 74 ans, sont toujours détenus, mais auront leur enquête sur mise en liberté aujourd'hui au palais de justice de Montréal.

L'enquête policière, baptisée Malaise, a été lancée il y a un peu moins de deux ans par l'Équipe d'enquête sur l'exploitation sexuelle des enfants sur internet, composée de policiers de la Sûreté du Québec et de la Gendarmerie royale du Canada.

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PHOTO FOURNIE PAR LA SÛRETÉ DU QUÉBEC

André Faivre, 67 ans.