On dit souvent, dans notre milieu, qu'un journaliste ne vaut pas plus que son carnet de contacts. Visiblement, cette maxime s'applique également au milieu criminel, si l'on se fie à ce que la justice américaine vient de déposer comme preuve contre Jimmy Cournoyer, surnommé le «roi du pot à New York».

Cournoyer, 33 ans, de Laval, est actuellement détenu dans la Grosse Pomme. Son procès pour avoir prétendument importé une quantité astronomique de marijuana en Nouvelle-Angleterre et de la cocaïne de la Californie, entre 2002 et 2011, est sur le point de commencer.

La semaine dernière, la poursuite a déposé une liste de près de 500 noms d'individus - de présumés contacts de Cournoyer -, trouvés vraisemblablement dans des appareils de types BlackBerry ou cellulaires saisis dans le cadre de cette vaste enquête de la Drug Enforcement Administration (DEA) et obtenus d'autres façons inconnues pour le moment.

Dans cette liste figurent notamment les noms de membres et de relations de la mafia montréalaise, de la mafia new-yorkaise, du gang de l'Ouest de Montréal, des Hells Angels du Québec et des autochtones.

Parmi ces noms, on trouve entre autres ceux du parrain de la mafia montréalaise, Vito Rizzuto, et du chef guerrier déchu des Hells Angels, Maurice «Mom» Boucher. Il faut toutefois apporter ici un bémol au sujet de ces deux acteurs de premier plan de la scène criminelle québécoise; il serait en effet étonnant que Jimmy Cournoyer ait pu leur parler directement. Et le Lavallois était bien jeune, il y a 13 et 9 ans, lorsque Maurice Boucher et Vito Rizzuto ont été emprisonnés.

Quoi qu'il en soit, cette liste, qui sera sûrement ardemment discutée durant le procès, tend à confirmer une chose: les organisations criminelles ne font plus que s'échanger de bons procédés. Elles travaillent main dans la main et composent des «consortiums», pour employer un terme à la mode chez les policiers.

Importation massive de drogue

Dans l'affaire Cournoyer, la police soupçonne le jeune homme et sa garde rapprochée d'avoir fait partie d'un consortium qui a exporté, en transitant par la réserve amérindienne d'Akwesasne, plus de 100 000 lb de marijuana aux États-Unis, surtout à New York. Selon la poursuite, le réseau écoulait 1000 lb de marijuana par semaine dans la métropole et projetait d'augmenter cette quantité à 5000 lb. Elle parle de profits avoisinants le milliard de dollars en neuf ans. Si c'est le cas, cette somme n'est sûrement pas allée dans les seules poches de Cournoyer, même si on lui accole un somptueux et retentissant train de vie.

Le nom de Shane Kenneth Maloney, individu lié au gang de l'Ouest selon la police, apparaît dans la liste de contacts de Cournoyer. Maloney, qui a été arrêté dans le cadre d'une importante opération de la Sûreté du Québec baptisée Loquace, en novembre dernier, est lui-même soupçonné d'avoir été à la tête d'un consortium qui voulait contrôler l'importation de cocaïne au Québec et même au Canada.

Dans la liste de contacts de Cournoyer apparaîtraient également des noms associés à des clans de la mafia montréalaise qui ont eux-mêmes formé un consortium pour prendre la place des Siciliens, à la suite de la chute des Rizzuto, en 2011.

Répondant aux questions de La Presse, en février dernier, Jimmy Cournoyer s'est décrit comme un bouc émissaire. Il a accusé des individus de s'être concertés pour lui faire porter le blâme et lui donner une importance qu'il n'a pas, pour protéger ceux qui contrôlent la porte d'entrée de la marijuana aux États-Unis.

De son côté, la poursuite, qui précise ne pas avoir inscrit dans la liste des contacts de Cournoyer tous les noms qu'elle a obtenus, entre autres pour des raisons de sécurité, promet de déposer, durant le procès, des douzaines de noms d'individus considérés comme des conspirateurs du jeune Lavallois.