Les 53 enfants de la garderie Les Racines de vie Montessori, à Gatineau, ont vécu une journée remplie en émotions fortes. Ce matin, un homme armé s'est pointé, a tiré plusieurs coups de feu et a tué un homme qui était présent sur les lieux. Une enquête policière est en cours.

La Presse s'est entretenue avec le psychologue Éric Bergeron sur le traumatisme que pourraient avoir vécu les enfants présents lors du drame. Voici un résumé de l'entrevue.

Q: Comme parent, quels sont les premiers gestes à poser pour sécuriser notre enfant?

R: Premièrement, je vous dirais qu'il ne faut pas décider pour l'enfant si ce qu'il a vécu est un traumatisme ou non. Ce n'est pas au parent de le dire, mais bien à l'enfant de l'exprimer. Si le développement cognitif de l'enfant ne lui permet pas de comprendre l'ampleur du drame qu'il a vécu, il ne vivra pas son expérience comme un traumatisme. En tant que parent, il ne faut pas s'emballer et aussi prendre du temps pour soi. Si on est personnellement dépassé par les événements, vaut mieux prendre un certain recul et aller chercher l'aide nécessaire.

Q: Quels signes permettent de croire qu'un parent est dépassé par les événements?

R: Il serait normal que les parents des enfants qui ont vécu le drame de ce matin, à Gatineau, se sentent dépassés par les émotions. Nos enfants sont ce qu'on a de plus cher à nos yeux. Quand on va les reconduire à la garderie, on met la vie de nos enfants entre les mains de personnes responsables. On est certain que l'environnement où ils sont confiés est sécuritaire. Des drames comme celui de ce matin peuvent toutefois survenir n'importe où. Après le drame, le parent peut être lui-même placé dans une situation de traumatisme. Il peut ressentir de la colère envers la garderie, ou contre les éducatrices. Il peut vivre de l'anxiété, de l'angoisse à l'idée même de confier à nouveau son enfant à cette même garderie. Dans cette situation, avant de vouloir prendre soin de son enfant, les parents doivent prendre soin d'eux-mêmes. Ils peuvent demander de l'aide et de l'appui de la famille, du milieu social, ou des amis.

Q: Ensuite, quel rôle le parent peut-il jouer dans la vie familiale?

R: Les parents agissent comme des contenants pour leurs enfants. Ils doivent être vus comme des repères stables, sur qui l'enfant peut s'appuyer. Les parents doivent s'assurer que dans les jours qui suivent, la maison est un cocon de sécurité. On veut rapidement créer un environnement d'amour autour de l'enfant, où il ne se sent pas en danger. On peut le faire en proposant des repas avec les mets préférés des enfants, ou en faisant des activités que l'enfant affectionne particulièrement, comme écouter un film en famille.

Q: Quels sont les signent qui pourraient permettre aux parents de détecter un traumatisme chez leur enfant?

R: Les enfants réagissent tous différemment à des situations traumatisantes. Souvent, on verra un changement marqué dans leur comportement. Ils peuvent exprimer de la colère, ou beaucoup de tristesse. Certains enfants seront aussi complètement figés, et ne donneront plus autant de signes de joie. Parfois, les enfants auront des réactions anxieuses. Un enfant qui dormait dans le noir peut demander à ce qu'on lui installe une veilleuse. Un enfant qui était propre peut après le drame développer des problèmes de propreté. Ce sont des réactions normales.

Q: Face à ces réactions, quels sont les recours des parents?

R: Il faut faire sentir à l'enfant qu'on est là pour l'écouter, sans le forcer à parler. Il faut démontrer de l'empathie, rassurer l'enfant et l'écouter lorsqu'il manifeste son désir de parler. Cependant, rappelons aux parents de faire attention de ne pas projeter leurs propres émotions sur leur enfant. Les enfants, surtout en bas âge, sont beaucoup plus résilients que les adultes. Ils peuvent vivre des situations pénibles et quelques heures ou quelques jours plus tard, agir comme si rien n'était arrivé. C'est normal. Si le comportement de l'enfant change et inquiète les parents, ils peuvent rapidement consulter leur médecin de famille, qui saura les diriger vers les bonnes ressources.