Quelques milliers de personnes ont manifesté samedi à travers le monde pour réclamer la libération de 30 militants de Greenpeace arrêtés pour avoir tenté d'aborder une plateforme pétrolière russe dans l'Arctique, une action relevant de la «pure provocation» selon Moscou.

La journée de mobilisation à l'appel de Greenpeace dans 47 pays a débuté en Nouvelle-Zélande, puis en Europe, et s'est poursuivie aux États-Unis et au Canada.

Les 30 membres de l'équipage du navire de Greenpeace Arctic Sunrise -- 28 militants de l'ONG écologiste et deux journalistes -- arraisonné en septembre, dont 26 ne sont pas russes (parmi lesquels le Montréalais Alexandre Paul et Paul Ruzycki de Port Colborne), ont été placés en détention pour deux mois à Mourmansk, dans le nord-ouest de la Russie, et inculpés de «piraterie en groupe organisé», ce qui leur fait encourir jusqu'à 15 ans de prison.

À Montréal, samedi soir, Greenpeace a utilisé l'installation multimédia «Mégaphone», située sur la rue Ontario devant le pavillon Président-Kennedy de l'UQAM, pour manifester sa solidarité avec les membres d'équipage de l'Arctic Sunrise.

La mère du Montréalais Alexandre Paul, Nicole Paul, a pris part à la vigile qui a réuni environ 80 personnes au centre-ville de Montréal. En entrevue avec La Presse Canadienne, Mme Paul, inquiète, trouve démesurées les accusations qui pèsent sur son fils pour avoir voulu «éveiller les consciences des gens et dénoncer les abus face à l'environnement».

Bien qu'habituée de voir son fils prendre part à des actions environnementales à l'internationale, elle est inquiète du sort de son fils, à qui elle n'a pas parlé depuis un mois.

«J'aimerais recevoir au moins un appel ou un email, c'est ça qui me rassurerait», a-t-elle confié.

«L'ambassade du Canada en Russie va le voir tous les jours et ils disent qu'il va bien. Je n'en sais pas plus. Quand j'ai demandé à la dame d'Ottawa des nouvelles d'Alexandre particulièrement, elle m'a répondu: «Moi, ma tâche c'est qu'il ait de la nourriture, de la chaleur et un avocat, mais ça se limite à ça'», a rapporté Mme Paul.

Jean-François Lisée, ministre québécois des Relations internationales et responsable de la métropole, s'est déplacé pour appeler les autorités russes à faire preuve de clémence à l'endroit d'Alexandre Paul.

«La légalité de l'arrestation est douteuse et, surtout, l'accusation de piraterie, qui comporte une possibilité de détention de 15 ans, est clairement exagérée», a-t-il déclaré dans un discours. «Le gouvernement du Québec appelle les autorités russes à modifier l'accusation, si elles veulent en porter une, et à faire preuve de clémence».

Le responsable de la campagne Climat-Énergie et Arctique de Greenpeace Canada, Patrick Bonin, a pour sa part appelé le gouvernement canadien à «sauter dans la mêlée» pour faire libérer les deux Canadiens.

«On s'attend à ce qu'il fasse comme les Pays-Bas, comme l'Europe, et qu'il exige des réponses de la Russie à savoir pourquoi deux Canadiens sont encore détenus et pourquoi on les accuse de piraterie, car ce sont des accusations sans fondements, sans base légale», a-t-il déclaré à La Presse Canadienne.



Des manifestations partout sur la planète




À Londres, un rassemblement de sympathisants de Greenpeace devant l'ambassade de Russie a réuni environ un millier de personnes, parmi lesquelles l'acteur Jude Law, les musiciens Paul Simonon (The Clash) et Damon Albarn (Blur). Ils étaient également un millier à La Hague, devant l'ambassade de Russie aux Pays-Bas où ils se sont fait entendre avec tambours et trompettes, certains manifestants étant habillés en costumes de pirates.

À Helsinki, quelque 1300 personnes ont protesté. Les manifestants étaient environ 500 à Stockholm, 300 à Paris et 200 à Vienne.

Plusieurs centaines de personnes ont aussi manifesté au principal port de Hong Kong en formant une chaîne humaine en forme de lettres «Libérez les 30 de l'Arctique», selon Greenpeace.

À Moscou même, une trentaine de personnes se sont rassemblées aux abords du parc Gorki, dans le centre, exhibant des portraits des personnes détenues, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Ces manifestations se sont déroulées alors que les Pays-Bas ont entamé vendredi contre la Russie une procédure d'arbitrage, estimant que Moscou aurait dû leur demander la permission d'interpeller l'Arctic Sunrise au motif que le bateau utilisé par Greenpeace battait pavillon néerlandais.

Mais le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Alexeï Mechkov, a vigoureusement contesté les arguments des Pays-Bas, soulignant que les autorités néerlandaises avaient été maintes fois averties des dangers encourus par les agissements de l'équipe de Greenpeace.

«Tout ce qui s'est passé avec l'Arctic Sunrise est une pure provocation», a déclaré M. Mechkov, cité par l'agence Ria Novosti.

«Au cours des six derniers mois, la Russie a maintes fois demandé à la partie néerlandaise d'interdire les agissements du bateau. Malheureusement, cela n'a pas été le cas», a souligné M. Mechkov.

L'Australie a fait part de son côté samedi de son «inquiétude» quant aux accusations «très graves» portées par Moscou contre l'un de ses ressortissants membre de l'équipage de l'Arctic Sunrise, en détention provisoire en Russie.

L'Arctic Sunrise a été arraisonné en mer de Barents le 19 septembre par un commando héliporté des garde-côtes russes, après que quelques militants eurent tenté d'escalader une plateforme pétrolière du géant Gazprom pour dénoncer les risques qu'elle faisait courir à l'environnement.

La Russie a fait du développement de l'Arctique, une immense zone regorgeant de ressources en hydrocarbures qui n'a pour l'instant pas encore été exploitée, une priorité stratégique.

L'équipage de l'Arctic Sunrise comprenait 30 personnes issues de 18 pays différents, notamment la Russie, les États-Unis, l'Argentine, la France, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas.

La France a indiqué mercredi que les ambassades en Russie des pays ayant des ressortissants parmi les militants de Greenpeace incarcérés à Mourmansk «se concertaient» sur le sujet.

- Avec l'Agence France Presse

Photo Reuters

Damon Albarn et Jude Law, à droite, à Londres,